Magazine Beaux Arts

Dancing machine : effets d’optique et sound systèmes (Arte)

Publié le 11 avril 2010 par Gregory71

L’exposition d’œuvres insolites qui inaugurait les festivals Via à Maubeuge le 4 mars et celui d’Exit à Créteil le 18 mars, est une invitation à faire danser l’enfance qui reste en nous, autant qu’elle interroge l’interaction homme-machine dans son rapport au mouvement,… le son pour moteur.
« Slow dance marathon » de Christodoulos Panayotou
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« Slow dance marathon » de Christodoulos Panayotou

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Le terme même de Dancing machine a quelque chose d’anachronique: certes on connaît l’hymne à la transe de James Brown, intemporel ! Mais les chorégraphes du siècle dernier (le XXIème) ne nous ont-ils pas montré déjà combien la danse émanait davantage d’une l’alchimie des humeurs que de la mécanique d’un corps performant et bien huilé ?

La pièce la plus énigmatique est sans doute celle de Thierry De Mey (Rémanences) : lui qui dans ses films a su si bien capter la puissance et la vitesse des chorégraphies de Forsyth restitue ici par le biais d’une caméra thermique, le spectre de la chaleur des corps : alors que les zones chaudes impressionnent l’image les zones froides semblent s’évanouir, dans une lente calligraphie de mouvements évanescents. Une relecture du temps « dansé », un travail de mémoire, s’opère.

Nostalgique
Mais quelle histoire racontent les automates de Peter William Holden ? Son manège de souliers à claquettes vernis (Solenoid B), ou sa chorégraphie de parapluies articulés sur l’air obsédant de « Singin’ in the rain »(Autogene). Et cette Arabesque de cuisses en plastiques montées sur vérins câblés ? Grotesque à l’arrêt, désopilante en mouvement. Ces pièces de musée savantes ne seraient-elles rien d’autre qu’un clin d’œil nostalgique à la magie de Gene kelly, à ces chorégraphies inouïes, mises en scène dans les comédies musicales de Busby Berkeley ? Quand dans les années trente, ces kaléidoscopes insensés de danseuses en maillot tentaient d’imiter les mouvements et inventions des machines modernes de l’époque.

16e édition du festival international EXIT
Créteil – Maison des Arts de
Du 18 au 28 mars
Le site du festival
Parfois, il suffit d’un sceau, d’une bille, d’un manche à balai, d’une brosse, de câbles électriques, bref, tout ce qu’il y a de plus ordinaire pour créer le chaos nécessaire à engendrer la poésie d’un mouvement : dans cet équilibre précaire, l’installation très contemporaine du japonais Kanta Horio incarne ici l’esprit de la danse.

Commissaire de l’exposition « en saison 3″ Charles Carcopino a su conserver le ton d’EXIT, mais ne tient pas à s’enfermer dans une chapelle High Tech. « J’assume très bien ces choix esthétiques et revendique autant les œuvres expérimentales que ludiques, voire populaires, ou complètement décalées comme ce « Slow dance marathon » ou cette vidéo trash d’avant et après la party de Christodoulos Panayiotou. Pour le commun des mortels la danse c’est aussi la boum, la fête. »

Expérimental
C’est aussi la machine à frisson (Nemo Observatorium) du designer des arts de la scène, Lawrence Malstaff qui place l’observateur au cœur de la tempête dans d’une centrifugeuse de polystyrène. Ou bien dans une performance très troublante (Shrink), ce jeune créateur singulier -à qui La ferme du buisson offrait une exposition monographique en Juillet-, place ses acteurs dans une poche de plastique transparent, privés d’air jusqu’aux limites de l’étouffement.

Le spectacle de ces viandes humaines sous cellophane est impressionnant et confère au bal moderne des allures de foire d’antan où se mêlent effets d’optique et démonstrations scientifiques : à partir d’un dispositif électro acoustique, les deux plasticiens et chercheurs russes Dmitry Gelfand et Evelina Domnitch déclenchent dans une solennellité, ad hoc, un ballet de feuilles d’or en suspension, dont l’ effet scintillant se répercute sur le son ambiant et enclenche de nouvelles séquences de mouvements à l’infini (Sonolevitation).

Immersif
Mais il est temps de se mettre en scène et de rejoindre le cours de danse inspiré par Blanca li (Ven A Baillar conmigo) : posez vos vêtements sur la barre et suivez le mouvement ! Nul ne s’émeut de la vision retro projetée (quasi holographique) du prof de hip hop dans la transparence de l’écran : tous, face au miroir écoutent et interprètent ses conseils avec bonne humeur, et enchaînent les poses comme dans un show télévisé.

Plus loin, une autre chorégraphie se joue : celle de Natacha Paganelli, qui comme des poupées russes sorties de leurs boîtes fait apparaître sur la musique exaltée de Matthieu Chauvin, une puis deux, puis des dizaines de danseuses identiques, échappées du Bolchoï, ou d’un défilé à la gloire d’un Staline sous trip. Réactivées dans une clairière par la magie du montage, elles renvoient à l’utopie d’une identité nationale et ses traditions folkloriques.

Autrement déconcertante, la pièce Dance with me, conçue en 2007 par Grégory Chatonsky, nous ramène à d’autres réalités, -comment dire ?- plus… globalisantes : sur l’écran des jeunes filles filmées devant leur web cam executent dans leurs chambres des mouvements empruntés aux queens du Rn’B. Or à partir de ces séquences récupérées sur la toile par l’ aficionados du net art, vous pouvez faire danser les adolescentes sur n’importe quelle musique de votre « Play List », qu’il suffit d’activer en « plugant » votre lecteur MP3 dans l’installation. Et ça marche : un brun retord mais bluffant, les filles bougent leurs fesses au rythme des nouveaux BPM. Alors qu’un peu plus loin, du même auteur, c’est Fred Astaire qui s’exécute en fonction des cours de la bourses américaine : dans Dance with u.s, plus les valeurs fluctuent plus les mouvements sont fluides !

D’autres interactions avec le public sont ainsi mises en scène, jouant sur le son ou la lumière, comme cette vision nocturne fluorescente de Shanghaï mise en scène par le collectif Visual System : Valère Terrier et Olivier Pasquet ont conçu une architecture générative dont les capteurs déclenchent des événements musicaux et visuels synchrones, comme s’il s’agissait d’un circuit imprimé géant. Un univers « déco-actif » idéal pour improviser une boîte de nuit dans son salon ou mieux, un Chill-out pour l’entreprise! (www.adigitalexperience.com)

Ludique
Et si vous n’avez qu’une chambre de bonne, ou une petite salle de réunion, prenez l’igloo d’Alexis O’Hara : à partir de hauts parleurs récupérés par tous les moyens du bord, cette artiste canadienne qui se produit aussi sur la scène électronique musicale, nous a construit un squeeeeque, une cabane stéréophonique. Hommage à la tradition orale des peuples du nord autant qu’à l’enfance universelle ce cocoon sonique, où l’on entre seul ou accompagné permet de chanter, rapper, respirer, brailler, hurler ou chuchoter, dans des microphones en toute intimité !
Le son est omniprésent dans ce parcours : moteur, obsédant ou difficilement perceptible, il est muet, prisonnier du Skininstrument2, et se révèle au contact de la peau : quand deux personnes se touchent d’une main, l’autre posée sur l’une des 4 bornes métalliques de Daan Brinkmann, elles forment un circuit dont l’intensité du toucher module la fréquence sonore. Les chorégraphies contorsionnistes qui en résultent sont assez drôles !

Unique
En 2008 Exit et le label d’art visuel Dalbin nous ont fait découvrir en avant première une pièce nommée Kill the ego (1), de Stephan Crasneanscki et Dug Winningham, réunis sous l’enseigne Soundwalk. Cette vidéo, conçue à partir d’un mixe incroyablement riche de particules sonores collectées depuis plus de dix ans dans les rues de New york, met en scène le peintre Rostarr exécutant une œuvre prolifique, picturale et graphique puissante, portée par l’énergie cinétique, de la bande son qui nous propulse du jazz au funk au détours d’un carrefour, ou d’une conversation.

Cette année Eric Dalbin, nous amène l’équipe newyorkaise sur le grand plateau: deux jours de répétitions à peine pour deux expériences live, deux soirées uniques, originales et ambitieuses, sur la genèse du son : musiciens bruitistes sur scène et plasticiens sonores aux commandes, Philippe Starck dans le rôle inédit du MC. Trouvera t-il ce son originel, le son universel, que tous nous cherchons, celui qu’on appelle, le son du nous ? A vivre …

(1) Récemment présentée dans sa totalité au centre Pompidou (lors du festival Hors piste) Kill the ego fait l’objet à partir du 21 mars 2010 d’une vente en ligne de 300 exemplaires numérotés téléchargeables par une application iphone.

Toujours est-il que Via_Exit indescriptible mixe entre arts plastiques et spectacles vivants créée depuis plus de vingt ans des alliances et initie des rencontres dont les productions parfois conçues à Créteil, au cœur même de la Mac (Maison des Arts et de la Culture) circulent et rebondissent au sein de parcours internationaux.
Budget de l’exposition cette année : 70 000 euros. A peine le prix d’un moyen métrage subventionné ! Un spot publicitaire ? Pas assez ! L’année dernière plus de 120 000 spectateurs ont vu l’exposition Nouveaux monstres, initiée par Charles Carcopino et Didier Fusiller à Maubeuge, à Créteil, puis à Lille. Des classes entières d’enfants épaulés par des étudiants-médiateurs la découvriront à Saint Nazaire du 17 Juin au 17 Aout puis à Toulouse en 2011. Mais pour le moment : Let’s dance ! Jusqu’au 28 mars. Pour en savoir plus : www.maccreteil.com

Véronique Godé

http://www.arte.tv/fr/Echappees-culturelles/cultures-electroniques/3112882.html


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