À l’instigation de la Librairie Tschann, belle rencontre
hier, samedi 10 avril 2010, à Paris, au Reid Hall de la rue de Chevreuse, sur
le thème : « Amérique une révolution poétique ».
Animée par Olivier Brossard, spécialiste de poésie américaine contemporaine et
membre du collectif Double Change, la rencontre réunissait Yves di Manno, qui
vient de publier Objets d’Amérique,
chez José Corti, Auxeméry qui de son côté vient de faire paraître le fruit de
trente ans de travail, la traduction complète du Maximus de Charles Olson et Christophe Lamiot-Enos qui publie 1985-1981 chez Flammarion.
Indice certain de l’importance de la rencontre, on notait dans le public la
présence notamment de Michel Deguy, Franck Venaille ou bien encore Nicolas
Pesquès.
Mais plutôt que de revenir ici sur la présentation des divers livres dont il a
été déjà largement question* dans Poezibao,
il est proposé d’évoquer ce qui a semblé l’axe majeur de cette rencontre.
Un recours en temps de crise
Car ce qui parait le plus important à souligner, c’est que pour les trois
poètes présents, l’Amérique, de façon différente, a représenté un recours,
souvent plus même qu’un recours, une sorte de proposition d’avenir et de
survie, en un temps de crise personnelle.
Les parcours d’Yves di Manno et d’Auxeméry ont de nombreuses similitudes et les
deux hommes se suivent et se parlent depuis leur jeunesse et ils se sont
rencontrés précisément autour de cette question de l’Amérique.
Le parcours de Christophe Lamiot-Enos semble n’avoir aucun point commun avec
celui des deux autres poètes, mais pourtant, pour lui aussi, cet ailleurs-là
fut un point fondateur et fondamental.
Olivier Brossard a très judicieusement introduit l’après-midi par l’évocation dates-clés :
les années 1912/1913/1914 d’une part avec la création de Poetry Magazine, Pound, H.D et l’imagisme, Tendres Boutons (Gertrude Stein), l’Armory Show de New York,
exposition internationale d’art faisant pour la première fois un lien entre peinture
et poésie ; 1945/1946 d’autre part, sortie du premier livre du Patterson de William Carlos Williams. Et
enfin 1957 et la parution de deux anthologies antagonistes, l’une plutôt
conservatrice, New poets
of England et America, l’autre à l’avant-garde, The
new american Poetry de Donald Allen.
Interrogé sur l’importance de cette poésie américaine pour lui, Yves di Manno montre
qu’elle a été « fondatrice » et qu’elle lui a permis de « débloquer
sa propre trajectoire ». Il rappelle comme cette poésie était inaccessible
à l’époque, hors les premières traductions parues dans les revues Po&sie et Action Poétique, les livres et anthologies de Serge Fauchereau, Michel
Deguy et Jacques Roubaud. Il montre aussi comment devant les carences
monumentales de la traduction et de l’édition, une seule possibilité, traduire
soi-même. Car il s’agit finalement de découvrir les outils dont on a besoin,
une fois fait le constat que la poésie telle qu’elle se présente à ce moment-là
en France n’est plus possible. C’est surtout du côté de la prosodie américaine
que vont venir les réponses dans cette « détresse des années 70 ». L’expression
est cette fois d’Auxeméry qui raconte comment, pour sa part, la rencontre avec
la poésie américaine l’a sauvé de « l’ennui colonial ou post-colonial »
qu’il vivait en Afrique où il a longuement séjourné. Et comment petit à petit
Olson lui a permis de se trouver,
notamment au travers de la découverte, chez Olson du « lieu et de la formule », le lieu, la ville de
Gloucester qui est le sujet de Maximus,
la formule, le fameux « vers projectif ».
La démarche de Christophe Lamiot Enos est complètement autre ! La
tradition ne le concerne pas vraiment car pour lui, dit-il, la poésie
américaine c’est « la rencontre avec des paysages, des personnes, de lieux
américains, où moi, individu, je suis sommé de mettre des mots sur des choses
qui ne m’appartiennent pas ». En fond, discrète, l’évocation du très grave
accident de l’année 81, de la perte de ses moyens, dont le langage. Du départ
aux USA en 1985, alors que de nouveau il peut marcher. Il voulait aller en Irlande,
il ira à l’Université Cornell, à Ithaca dans l’état de New York, où il va « reprendre
vie en tant qu’individu ».
On retiendra donc surtout de cette belle après-midi, riche en digressions
savantes sur la poésie américaine, cette évidence que pour ces trois auteurs-là,
elle fut d’abord un recours puis la base de leur démarche propre. La rencontre se
terminera par un temps de lecture, un poème d’Oppen, extrait de Objets d’Amérique, pour Yves di Manno,
des extraits du Maximus d’Olson pour
Auxeméry et plusieurs séquences de 1985-1981
pour Christophe Lamiot-Enos.
par Florence Trocmé
Et dont Poezibao a déjà largement ou
partiellement rendu compte, voir ainsi:
•pour Yves di Manno & Objets d’Amérique, Objets
d’Amérique (note de lecture par F. Trocmé), Une
lecture complémentaire d’Objets
d’Amérique, lettre
ouverte d’Auxeméry, à propos d’Objets
d’Amérique, 2,
3
avec pdf, Yves di Manno au Petit Palais (Martin
Rueff, Isabelle
Garron, Philippe
Beck, Stéphane
Bouquet + pdf de l’ensemble)
•pour la traduction d’Olson par Auxeméry : Les
Poèmes de Maximus, trad. Auxxeméry (par Julien Ségura)
•Le livre de Christophe Lamiot-Enos, tout récemment reçu, n’a pas encore fait l’objet
d’une note de lecture mais d’une brève présentation dans le cadre de la
rubrique Poezibao a reçu le
dimanche 28 mars 2010.
Yves di Manno, Objets d’Amérique,
José Corti
Charles Olson, Maximus, traduction d’Auxeméry,
La Nerthe
Christophe Lamiot Enos, 1985-1981,
Flammarion
Photos @Florence Trocmé, de haut en bas
°La vitrine de la librairie Tschann à Paris
°Les intervenants de la rencontre avec de gauche à droite, Olivier Brossard, Auxeméry,
Yves di Manno, Christophe Lamiot Enos
°Auxeméry
°Yves di Manno
°Christophe Lamiot-Enos