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Me’shell Ndegeocello – Le syndrôme des quatre cordes

Publié le 11 avril 2010 par Manueldecastro

Me’shell Ndegeocello – Le syndrôme des quatre cordes

Plus qu’une talentueuse touche-à-tout, Me’shell Ndegeocello est aujourd’hui l’ambassadrice d’un instrument tant essentiel que délaissé. A l’ombre d’une mythique cousine dont elle se fait pourtant l’indispensable clé de voûte, la basse compte nombre de géniaux manipulateurs. Et quand Me’shell la fait vibrer, la lumière n’est plus si lointaine.

Deux cordes… un duo de filetages d’acier, marquant la distance entre gloire et reconnaissance. Si, dans le monde du vent, sax et trompette jouent à armes égales; si les congas ou djembés se font complément des peaux de batteries, l’univers des cordes offre une inégale cohabitation. Quand la sacrosainte sextuple-cordée n’en finit d’attiser passions, vocations et louanges, il en est autrement pour la basse. Vouée pour beaucoup à marquer le rythme plus qu’imposer la mélodie, elle s’avère pourtant essentielle, posant les fondations du hiphop, se faisant alliance du mariage entre jazz et funk, liant « reggae » et « vibrations »…

Si la basse a accompagné naissance et vie de nombreux styles, c’est qu’elle a eu la chance de passer entre les mains de talents hors-du-commun. Il a fallu des Jaco Pastorious,  Stanley Clarke ou Robbie Shakespeare pour « slapper », « tapper », et faire d’un instrument voué à pallier des lacunes sonores un réel outil créatif. Me’shell Ndegeocello est, sans doute aucun, à ranger au sein de cete glorieuse famille. Née à Berlin, la dame n’est pas qu’une touche-à-cordes : auteur, compositrice, pianiste, rappeuse à ses heures, Me’shell est une expressive, ayant la musique pour porte-voix. Remarquée dès la sortie d’un premier album atypique cultivant une troublante androgénéité, la bassiste américaine s’est posée en représentante décomplexée d’une soul englobant héritage et descendance dans un vibrant cocon.

« Vibrant« , voilà le mot. Me’shell vibre, son instrument l’aidant et sa musique s’en ressentant. Et c’est autour de ces ondes que, par effet DO-MI-no, viennent à communier tous styles et instruments. Tout au long d’une prolifique carrière, Me’shell a touché au rap comme au rock, composé hymnes néo-soul et envolées free-jazz instrumentales, avec une égale réussite. Il demeure néanmoins une fatalité que huit albums et presque autant d’univers maîtrisés ne suffisent pas à contrer. Le bassiste, si génial soit-il(elle), est voué à demeurer à un pas du spotlight entourant son compère au couple de cordes supplémentaire. Certes, de nombreuses nominations aux Grammys et collaborations glorieuses avec les Stones, Zap Mama ou Madonna forment de belles consolantes, mais sont loin de combler tout manque de lumière.

Me’shell – Better By The Pound


Reste que ce constat, si implacable et dur soit-il, n’en reste pas moins préférable. C’est en demeurant plus confidentielle que la basse continuera à se faire base de création, quand d’autres se cantonneront le plus souvent à reproduire ou posticher. A elle donc de nous faire vibrer, et à Me’shell de demeurer, loin des guitar-héros, une magicienne à quatre cordes.

Article paru dans Openmag (num.125)


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