L’homo numericus décrypté à Toulouse (Libération)

Publié le 11 avril 2010 par Gregory71

Empreintes numériques, dont la quatrième édition débute aujourd’hui à Toulouse, décrypte notre société de surveillance. Sous l’intitulé « p@nopti.com », la manifestation, initiée par l’atelier multimédia du centre Bellegarde qui veut sensibiliser le grand public aux arts numériques, propose ateliers, conférences et concerts questionnant ces technologies qui nous épient au quotidien dans l’espace public ou sur le Réseau.

Jusqu’à la fin du mois, l’exposition « l’Invention de l’identité » présente quatorze œuvres de Grégory Chatonsky dans trois lieux. L’artiste s’interroge sur la manière dont « la généralisation de l’Internet inquiète nos identités ». Données personnelles qu’on livre en cascade sur le Web, tracées, exploitées et monétisées par Google ou Facebook : dans la plupart de ses œuvres, Chatonsky exploite les flux d’informations de la Toile. Il prélève des confessions intimes dans les blogs, des bavardages sur Twitter, extrait des images déposées sur Flickr et des vidéos YouTube, générant des fictions en temps réel à partir de ces données fragmentaires.

L’artiste revisite des dispositifs de contrôle comme l’empreinte digitale, la détournant de sa vocation policière première : l’identification. Via un capteur biométrique, les empreintes scannées et projetées se déforment, sillons qui partent progressivement à la dérive. Dans Hisland, l’empreinte est traduite en temps réel en relief topographique, créant un paysage glaciaire heurté et unique pour chaque visiteur.

L’installation Registre aspire sur les blogs des phrases évoquant des sentiments, les enregistre dans une base de données et crée automatiquement un livre chaque heure, imprimable à la demande. A partir de photos de Google Street View, Chatonsky refilme Vertigo, reconstituant le parcours motorisé de James Stewart à travers San Francisco.

Dans les rues, en plus de la voiture Google prête à nous capturer dans son catalogue d’images, il y a les caméras de surveillance. Nombreux sont les artistes qui ont détourné ces dispositifs sécuritaires à des fins critiques ou ludiques. Ainsi de Faceless, film de SF de Manu Luksch, ou de cette chorégraphie urbaine survoltée, the Duellists, filmée par les 160 caméras de surveillance d’un centre commercial. Le performeur Jaime del Val les dispose sur son corps dénudé, qu’il filme et projette par morceaux sur les murs de la ville.

Paru dans Libération du 7 avril 2010

Marie Lechner