La décentralisation, le Futuroscope, le département de la Vienne et le Sénat : tels furent les dadas d’un homme politique français très atypique qui a mélangé tradition républicaine modérée et modernisme technologique entrepreneurial. Troisième et dernière partie.
Dans le premier article, j'avais évoqué l'arrivée de René Monory parmi les plus grands responsables de la
République. Dans le deuxième article, la retraite obligatoire du Président du Sénat. Pour terminer, je
cite les échos de la classe politique à l'annonce de sa disparition.
Concert de louanges
La disparition de René
Monory le 11 avril 2009 a profondément ému la classe
politique (elle a même provoqué quelques étranges confusions sur le site
Internet d’une radio) et a apporté un concert pour ne pas dire un concours de louanges.
Nicolas
Sarkozy, Président de la République, a souligné « le respect
intransigeant des valeurs humanistes » de celui qui « gravit un à un
les échelons de la méritocratie républicaine »
François
Fillon, Premier Ministre, a parlé de « cet exemple remarquable de
réussite individuelle au service de la France »
Valéry Giscard d’Estaing, ancien Président de la République, fut très ému par
la disparition d’un « homme attachant au profil exceptionnel dans la vie publique française »
Même émotion perceptible chez Jacques Chirac, l’autre ancien Président de la République, qui a relaté « une figure de la vie politique et
parlementaire de la Ve République »
qui a « fait preuve d’action et d’imagination et défendu avec clairvoyance les intérêts
de la France et des Français »
Christian Poncelet, ancien Président du Sénat, a évoqué son ancien adversaire
ainsi : « En dehors de la compétition politique, nous avions beaucoup de points communs et un parcours partagé : enfants de
la République, nous sommes tous les deux issus d’un milieu modeste. »
Gérard Larcher, Président du Sénat, fut honoré d’avoir été l’un de ses
vice-présidents et a vu en lui « l’image d’un homme d’une curiosité insatiable »
Bernard
Accoyer, Président de l’Assemblée Nationale, a rappelé que René Monory avait souhaité « faire
Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre, a été très peiné par la maladie
puis la mort de ce « grand entrepreneur politique » :
« René Monory était au XXe siècle un honnête homme du XXIe »
François
Bayrou, président du MoDem, a loué sa grande indépendance d’esprit : « La liberté de penser se mariait avec la force de l’action. (…) [Il] n’était pas prisonnier des moules habituels. Il s’était forgé lui-même une vision
du monde et avait le courage et l’audace de la mettre en œuvre contre bien des réticences. »
Pierre
Méhaignerie, ancien Ministre de la Justice et ancien président du CDS, conservera de lui « son humanisme et sa passion pour la réussite économique de notre pays »
Michèle
Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur (à l’époque), a évoqué celui qui « s’est consacré pleinement au développement économique de la France ainsi qu’à l’indépendance énergétique de notre pays à travers le dossier
nucléaire » et qui fut un « symbole de la promotion
républicaine »
Valérie
Pécresse, Ministre de la Recherche, a timidement rappelé qu’il « fut un des artisans de la première tentative de réforme des universités en 1986 »
Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP, a préféré insister sur ses
grandes qualités qui « lui ont permis de transformer ses idées en projets ambitieux et réalistes »
Alain Marleix, Secrétaire d’État aux Collectivités territoriales, l’a qualifié
de « l’un des hommes politiques marquants de la Ve République »
Jean Arthuis, ancien Ministre des Finances et président de la Commission des
finances du Sénat, a parlé « d’un homme politique d’exception, (…) d’un visionnaire lucide et
courageux »
Hervé Morin, Ministre de la Défense et président du Nouveau centre, a rendu hommage à une « grande figure de
la famille centriste (…) [qui] incarnait l’idéal républicain fondé sur l’égalité des chances »
Martine
Aubry, première secrétaire du PS, n’a pas lésiné en le nommant « infatigable créateur de la modernité politique » devenu « pour les jeunes de France le symbole d’une promesse républicaine fondamentale, celle de la promotion sociale »
Ségolène
Royal, présidente du Conseil régional du Poitou-Charentes, fut beaucoup moins emphatique (elle « salue la carrière politique de cet autodidacte ») et n’assista pas à ses obsèques pour
raison d’agenda (elle s’y fit représenter et y fit déposer une gerbe).
Dominique Paillé, porte-parole de l’UMP et ancien secrétaire général du groupe
centriste au Sénat, a exprimé sa « ténacité » et sa
« clairvoyance hors du commun » : « Il a toujours su anticiper les évolutions de la société. » tout en
rappelant : « Il a su porter au plus haut les convictions de la famille démocrate-chrétienne. Cela fait de lui un vrai
centriste. (…) Pour avoir longuement travaillé avec lui, je sais que plus que quiconque dans la famille centriste, il a toujours su mérité respect et considération. »
Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire de Marseille, s’est surtout souvenu
des « nombreuses batailles avant-gardistes qu’il a su mener, avec conviction, tout au long de sa
carrière »
Henri de Raincourt, à l’époque président du groupe UMP au Sénat (et maintenant
ministre), a rendu hommage au « grand serviteur de l’intérêt général, élu local visionnaire, [qui] fut un Président du Sénat
humaniste, pragmatique et moderne »
Dominique Hummel, actuel président du directoire du Futuroscope (depuis fin
2002), a fait cet éloge : « Tout René Monory se résume dans la capacité de surprendre et de frapper fort. Bref, d’avoir toujours
un temps
Les obsèques de René Monory ont été célébrées le 16 avril 2009 en l’église Saint-Pierre de Loudun par l’archevêque de Poitiers Albert Rouet, en
présence notamment de Nicolas Sarkozy, François Fillon, François Bayrou, Gérard Larcher, Christian Poncelet, Valéry Giscard d’Estaing, Jean-Pierre Raffarin, Simone Veil, Yves Guéna et Roger Karoutchi.
Un homme authentique détestant la langue de bois
Dans les années 1980 et 1990, j’avais eu la chance de le rencontrer à plusieurs reprises, notamment "chez lui" au Futuroscope. J’avais été
impressionné par sa grande carrure, un peu hésitante par la fatigue et par l’âge, mais toujours très dynamique dans la réflexion et la discussion. Sous une carapace d’apparence vieillissante
logeait un esprit d’une étonnante vivacité.
Il avait quelques idées phares : l’esprit d’entreprise, le développement pour tous des nouvelles technologies de l’information et de la
communication (NTIC), la décentralisation par l’harmonisation du territoire national (ferme partisan du département, il est peu probable qu’il aurait soutenu la réforme actuelle des collectivités
territoriales).
Chapeau l’artiste !
Succéder avec un simple brevet industriel à Raymond Barre ("le meilleur économiste de France") au Ministère de l’Économie et de Finances puis le
transmettre à Jacques Delors, créer ex nihilo, dans des champs de
betteraves, le Futuroscope (2e parc d’attraction français) alors que personne
n’y croyait, et être le dernier Président centriste du Sénat : trois "exploits" qui résument assez bien la destinée exceptionnelle de cet élu local lié à son terroir mais parallèlement
attaché aux perspectives du futur.
« Homme de bon sens, pragmatique et généreux, avisé et compétent qui a formidablement incarné notre Haute
Assemblée » : paroles qui pourraient décrire René Monory mais qui furent prononcées par ce même René Monory le 10 décembre 1996 pour rendre hommage à son prédécesseur, Alain Poher.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (9 avril 2010)
Pour aller plus loin :
Dépêches sur la disparition de René
Monory.
Élection du Président du Sénat
(séance du 1er octobre 1998).
Alain Poher (1968-1992).
Christian Poncelet (1998-2008).
Gérard Larcher (depuis 2008).
L’élection des Présidents du Sénat.
Plus d’informations sur le
Sénat.
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/rene-monory-le-bon-sens-de-la-73098
http://www.lepost.fr/article/2010/04/09/2025738_rene-monory-le-bon-sens-de-la-france-d-en-bas-au-sommet-de-l-etat-3.html
http://rakotoarison.lesdemocrates.fr/article-173
http://www.centpapiers.com/rene-monory-le-bon-sens-de-la-france-d%e2%80%99en-bas-au-sommet-de-l%e2%80%99etat-2/12382/