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Traversée du désert

Publié le 10 avril 2010 par Ladytelephagy

Que se passe-t-il dans la tête d'une personne qui va mourir ? Breaking Bad se refuse à y répondre dés le pilote, et lance même une improbable piste pour détourner notre attention de cette question.
C'est une des choses qui m'avait gênée, la première fois que j'avais regardé ce même épisode. A l'instar de Weeds (bien que, naturellement, ce soit sur un ton radicalement différent), on prend une situation assez banale, et on en fait un cas abracadabrant. Comme si on voulait absolument éviter d'aborder frontalement les questions qui fâchent. Peut-on un seul instant s'identifier à de tels personnages ? En tous cas, je ne le conçois pas.

Pourtant, et c'est la magie de la téléphagie pourrait-on dire, j'ai regardé cet épisode avec un œil nouveau, il y a quelques jours, après qu'on m'ait annoncé qu'un de mes proches a également un cancer. Un proche qui s'avère être dans la cinquantaine et père de famille. Si là, l'identification ne joue pas à plein, je ne sais plus ce qu'il me faut !

BreakingRealBad

Breaking Bad, c'est donc l'histoire d'un pétage de plomb, quand la limite est franchie et qu'on sait qu'on n'a plus rien à perdre.
Mais pour la première fois, j'ai aussi réalisé que Breaking Bad parle d'un désespoir plus criant encore que celui qu'on peut ressentir face à une mort certaine et inéluctable.

On n'attend pas de Walter qu'il se "batte" contre son cancer, comme dans un téléfilm de Lifetime où il lui faudrait tolérer semaine après semaine les inévitables glaires ensanglantées et se réjouir des petites victoires mesquines sur la mort. Mais au moins, on pourrait imaginer que notre condamné pense un peu à la vie avant de se lancer dans sa folle aventure. Mais Walter ne pense pas qu'il devrait profiter de la vie, il ne pense pas à ce qu'il aimerait faire avant de partir, il ne tente même pas de passer plus de temps avec ceux qu'il aime.

Non, son premier réflexe, et à l'issue du pilote, son seul réflexe même, c'est de penser à l'argent qui manquera aux siens quand il ne sera plus.

C'est un constat sombre au possible de l'existence qu'il a menée jusque là. Au moment de faire face à la mort, au lieu de penser à la vie, il pense à la survie. Il n'est évidemment pas exclu que cela se fasse plus tard dans la série, mais que ce soit le mouvement instinctif de Walter est révélateur d'une certaine vision du monde.

Avant même de basculer dans son improbable fantaisie, celle qui me rebutait tant la première fois (et qui me crispe encore un peu, je dois bien l'admettre, car je trouve ça un peu lâche), Breaking Bad envoie un message clair, ou plutôt un message sombre, sur la vie : la vie, c'est nul. C'est nul parce qu'on trime, et qu'on est frustré, et qu'on a l'impression d'avoir tout raté, et qu'en plus après il faut mourir. Pire encore, Walter White ne partage son fardeau avec personne. Il se lance, certes, dans sa périlleuse entreprise avec un partenaire, mais il ne confie à personne ce qu'il vient d'apprendre. Là encore, je comprends bien que ce soit pour les scénaristes une façon de poser un enjeu qui par la suite, trouvera un développement dans un sens ou dans un autre (Walter se confiant à quelqu'un, ou quelqu'un s'en apercevant malgré les tentatives de Walter pour cacher son état, ou l'état de Walter devenant impossible à camoufler...), mais il est assez net que la vision du monde par Breaking Bad est celle d'une souffrance solitaire qui ne trouve aucun répit, ni en soi-même, ni auprès des autres.
Pas étonnant qu'une bonne partie de l'épisode se déroule dans le désert, après tout. C'est exactement ce que Walter White semble vouloir faire de ses derniers instants.

On dit qu'on vit et qu'on meurt seul ; Walter White a l'air bien résolu à vivre sa mort tout seul.

Et pour ceux qui manquent cruellement de culture : la fiche Breaking Bad de SeriesLive.


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