Les salles parisiennes sont souvent frileuses à l’idée d’exposer en récital des chanteurs dont la notoriété ne soit pas éprouvée par des années de scènes. C’est sans doute le domaine où l’audace est la plus inexistante, les seules vedettes pouvant espérer avoir les honneurs d’une soirée complète. Chacun peut le regretter, mais non point s’en étonner lorsqu’on voit le peu d’engouement que suscite à Paris la présence en tête d’affiche de noms un peu moins connus, comme ceux de la soprano française Nathalie Manfrino et du ténor albanais Saimir Pirgu. Deux espoirs de l’opéra mondial qui à moins de trente ans s’affrontent au grand répertoire, prenant de front les couples mythiques Villazón-Netrebko ou Alagna-Georghiu sur leur propre terrain.
Si l’affiche méritait mieux qu’une salle aux deux tiers pleine, on ne saurait non plus parler d’une révélation. Les points positifs y sont pourtant nombreux. Et d’abord une programmation plutôt bien pensée, où les grands airs du répertoire sont agencés dans une progression musicale et dramatique qui va au-delà de la simple juxtaposition de tubes. Certes, on aurait pu rêver d’un peu plus d’originalité dans le choix des extraits. La première partie, consacrée à l’opéra français, ne nous réserve aucune surprise, du duo de Saint Sulpice de Manon au duo de l’alouette et du rossignol de Roméo et Juliette en passant par l’inévitable « pourquoi me réveiller » de Werther. Et pas davantage d’originalité dans la partie italienne du répertoire, en particulier du côté du ténor qui ne nous épargne ni la « furtiva lagrima » ni la « donna mobile ». Réjouissante en revanche était l’introduction dans ce programme attendu d’un très bel extrait des Capuletti e i Montecchi de Bellini « Oh ! Quante volte ».
Si elle est capable de sortir un suraigu presque crispant à la fin du « Dis-moi que je suis
Seule faiblesse de la soirée, l’Orchestre national de Lille et surtout la direction de Patrick Fourmillet, à la fois routinière et pesante, imprécise et peu imaginative. Tantôt écrasant les chanteurs avec des percussions omniprésentes, tantôt pas assez rigoureux dans le soutien, avec des tempi improbables quand ils ne sont pas illisibles. Sans parler de l’agaçant maniérisme du chef d’orchestre qui semble le seul transporté par la cacophonie de son ouverture du Roméo et Juliette de Gounod.
La presse qui s’était enthousiasmé de la performance de ces deux chanteurs dans la lumière de Plácido Domingo lors des représentations de Cyrano de Bergerac de Franco Alfano au Châtelet, n’a pas suivi ce duo prometteur hors l’éclairage de la star espagnole. Le public non plus. Et c’est bien dommage.
Nathalie Manfrino et Saimir Pirgu en concert à la Salle Pleyel le 8 avril 2010.