Ce matin j'ai mis en ligne une présentation du livre de Véronique Anger, La dernière croisade.
Véronique Anger était au courant de cet article avant que je ne la prévienne... Les nouvelles vont vite sur la blogosphère...
Dans le courriel qu'elle m'a adressé, elle me fait part d'une nouvelle stupéfiante qui m'avait échappé, accès limité à la Toile oblige, quand je me trouvais au Pays Basque, et qu'elle a révélé sur Agoravox ici [l'excellent dessin illustre cet article] : il y a deux versions de la pétition des "500" scientifiques contre Allègre et Courtillot [voir mon article Allègre et Courtillot cloués au pilori par des confrères "scientifiques" ].
La première a paru le 27 mars 2010 :
"Destinataires :
Mme la Ministre de la Recherche
M. le Directeur de la Recherche
Mr le Président de l’Agence d’Évaluation de la Recherche
M. le Président de l’Académie des Sciences
M. le Président Directeur Général du CNRS
Mrs. les Directeurs et Directeurs adjoints de l’INSU et l’INEE du CNRS
M. le Président du Comité d’Éthique du CNRS
Éthique scientifique et sciences du climat : lettre ouverte
Nous, scientifiques du climat, attachés au devoir de rigueur scientifique, interpellons les hautes instances scientifiques françaises : Ministère de la Recherche, Centre National de la Recherche Scientifique, et Académie des Sciences, qui n’ont pas réagi aux accusations calomnieuses lancées à l’encontre de notre communauté.
Un pacte moral relie les scientifiques et la société. Rémunérés par les crédits publics, les scientifiques doivent déployer une rigueur maximale, pour la conception, la réalisation, la publication de leurs travaux. Leurs pairs sont les arbitres de cette rigueur, à travers les processus critiques de relecture, de vérification, de publication des résultats. Les hautes instances scientifiques sont les garants de cette rigueur. C’est sur cette éthique scientifique que repose la confiance que la société peut accorder à ses chercheurs.
Reconnaître ses erreurs fait également partie de l’éthique scientifique. Lorsqu’on identifie, après la publication d’un texte, des erreurs qui ont échappé aux processus de relecture, il est d’usage de les reconnaître, et de les corriger, en publiant un correctif. Ainsi, des glaciologues ont mis en évidence une erreur dans le tome 2 du 4ème rapport du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat (« Impacts, Adaptation et Vulnérabilité, chapitre 10 : Asie ») concernant le devenir des glaciers de l’Himalaya. En l’absence de procédure formelle d’« erratum », le GIEC a publié son « mea culpa » (http://www.ipcc.ch/pdf/presentation... ;), reconnaissant l’erreur, et pointant que les processus de relecture du groupe 2 (rédigé et relu par les spécialistes des impacts du changement climatique sur les écosystèmes et l’économie) n’avaient pas fonctionné. En cela, le GIEC a respecté la déontologie scientifique.
Depuis plusieurs mois, des scientifiques reconnus dans leurs domaines respectifs, membres actifs de l’Académie des Sciences, dénigrent les sciences du climat et l’organisation de l’expertise internationale, criant à l’imposture scientifique - comme le fait Claude Allègre dans L’Imposture climatique ou la fausse écologie (Plon, 2010), pointant les prétendues « erreurs du GIEC », comme le fait Vincent Courtillot dans Nouveau voyage au centre de la Terre (Odile Jacob, 2009), dans son séminaire de rentrée de l’Institut de Physique du Globe de Paris ( http://www.ipgp.fr/pages/040805.php...) ou bien dans les « libres points de vue d’Académiciens sur l’environnement et le développement durable » ( http://www.academie-sciences.fr/act...). Leurs accusations ou affirmations péremptoires ne passent pas par le filtre standard des publications scientifiques. Ces documents, publiés sous couvert d’expertise scientifique, ne sont pas relus par les pairs, et échappent de ce fait aux vertus du débat contradictoire.
Ignorons le dénigrement, la théorie du complot et les aspects politiques. Appliquons-leur simplement la même exigence de rigueur qu’à n’importe quel manuscrit scientifique. De nombreuses erreurs de forme, de citations, de données, de graphiques ont été identifiées. Plus grave, à ces erreurs de forme s’ajoutent des erreurs de fond majeures sur la description du fonctionnement du système climatique.
Plusieurs hypothèses sont possibles, pour expliquer la publication d’ouvrages dont certains battent tous les records en termes d’erreurs de forme et de fond pour l’ensemble des arguments scientifiques : s’agit-il d’une provocation délibérée, pour se placer en position de victime, et attirer la sympathie du grand public ? S’agit-il d’incompétence, ces auteurs croyant sincèrement à leurs affirmations fausses, faute d’une connaissance de la littérature scientifique ? D’une mauvaise foi délibérée, l’éthique scientifique étant mise aux oubliettes, et l’apparence pseudo-scientifique (références fausses, courbes inventées, résultats scientifiques détournés…) étant mise au service d’un message avant tout politique ?
Dans tous les cas, la publication de ces affirmations témoigne d’un sentiment d’impunité totale de la part de leurs auteurs, qui oublient les principes de base de l’éthique scientifique, rompant le pacte moral qui lie chaque scientifique avec la société.
Nos observations, nos études des processus physiques, nos outils de modélisation, qui contribuent à une expertise nécessairement internationale, nous montrent que :
• les émissions de gaz à effet de serre, en augmentation, modifieront durablement le bilan radiatif terrestre ;
• la compréhension des liens entre gaz à effet de serre et climat ne repose pas sur des corrélations empiriques, mais sur l’étude de mécanismes physiques, amplement démontrés. Les modèles de climat sont très largement testés sur leur capacité à représenter les processus clés du changement climatique en cours ainsi que des variations climatiques passées ;
• l’amplitude et la structure des changements observés depuis 50 ans sont cohérents avec les conséquences théoriques d’un réchauffement induit par un surplus de gaz à effet de serre ;
• les conséquences d’une poursuite au rythme actuel des rejets de gaz à effet de serre peuvent être graves, d’ici quelques décennies.
Nous, scientifiques du climat, attachés au devoir de rigueur scientifique, interpellons les hautes instances scientifiques françaises : Ministère de la Recherche, Centre National de la Recherche Scientifique, et Académie des Sciences au sujet de leur silence vis-à-vis d’accusations publiques sur l’intégrité des scientifiques du climat, accusations qui sortent du cadre déontologique."
La seconde version, annulant et remplaçant la première, a paru le 29 mars 2010 :
Destinataires :
Mme la Ministre de la Recherche
M. le Directeur de la Recherche
M. le Président de l’Académie des Sciences
Mmes et MM. les Directeurs des acteurs de la recherche publique regroupés au sein de l’Alliance thématique AllEnvi (BRGM, CEA, CEMAGREF, CIRAD, CNRS, CPU, IFREMER, INRA, IRD, LCPC, Météo France,
MNHN)
M. le Président de l’Agence d’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur
M. le Président du Comité d’Éthique du CNRS
Éthique scientifique et sciences du climat : lettre ouverte
Nous, scientifiques du climat, attachés au devoir de rigueur scientifique, interpellons les structures référentes de la recherche scientifique française, face aux accusations mensongères lancées à l’encontre de notre communauté.
Un pacte moral relie les scientifiques et la société. Rémunérés principalement par les crédits publics, les scientifiques doivent déployer une rigueur maximale, pour la conception, la réalisation, la publication de leurs travaux. Leurs pairs sont les arbitres de cette rigueur, à travers les processus critiques de relecture, de vérification, de publication des résultats. Les hautes instances scientifiques sont les garants de cette rigueur. C’est sur cette éthique scientifique que repose la confiance que la société peut accorder à ses chercheurs.
Reconnaître ses erreurs fait également partie de l’éthique scientifique. Lorsqu’on identifie, après la publication d’un texte, des erreurs qui ont échappé aux processus de relecture, il est d’usage de les reconnaître, et de les corriger, en publiant un correctif. Ainsi, des glaciologues ont mis en évidence une erreur dans le tome 2 du 4ème rapport du Groupe d’expert intergouvernemental sur l’évolution du climat («Impacts, Adaptation et Vulnérabilité, chapitre 10 : Asie») concernant le devenir des glaciers de l’Himalaya. En l’absence de procédure formelle d’«erratum», le GIEC a publié son «mea culpa» ( http://www.ipcc.ch/pdf/presentations/himalaya-statement-20january2010.pdf), reconnaissant l’erreur, et soulignant que les processus de relecture du rapport n’avaient pas fonctionné pour ce paragraphe. En cela, le GIEC a respecté la déontologie scientifique.
Depuis plusieurs mois, des scientifiques reconnus dans leurs domaines respectifs dénigrent les sciences du climat et l’organisation de l’expertise internationale, criant à l’imposture scientifique – comme le fait Claude Allègre dans L’Imposture climatique ou la fausse écologie (Plon, 2010), pointant les prétendues «erreurs du GIEC», comme le fait Vincent Courtillot dans Nouveau voyage au centre de la Terre (Odile Jacob, 2009) et dans des séminaires académiques. Ces accusations ou affirmations péremptoires ne passent pas par le filtre standard des publications scientifiques. Ces documents, publiés sous couvert d’expertise scientifique, ne sont pas relus par les pairs, et échappent de ce fait aux vertus du débat contradictoire.
Ces ouvrages n’auraient pu être publiés si on leur avait simplement demandé la même exigence de rigueur qu’à un manuscrit scientifique professionnel. De nombreuses erreurs de forme, de citations, de données, de graphiques ont été identifiées. Plus grave, à ces erreurs de forme s’ajoutent des erreurs de fond majeures sur la description du fonctionnement du système climatique. Leurs auteurs oublient les principes de base de l’éthique scientifique, rompant le pacte moral qui lie chaque scientifique avec la société.
Ces attaques mettent en cause la qualité et la solidité de nos travaux de recherche, de nos observations, études de processus, outils de modélisation, qui contribuent à une expertise nécessairement internationale.
Vous constituez les structures référentes de la recherche scientifique française. Les accusations publiques sur l’intégrité des scientifiques du climat sortent des cadres déontologiques et scientifiques au sein desquels nous souhaitons demeurer. Nous pensons que ces accusations demandent une réaction de votre part, et l’expression publique de votre confiance vis-à-vis de notre intégrité et du sérieux de nos travaux. Au vu des défis scientifiques posés par le changement climatique, nous sommes demandeurs d’un vrai débat scientifique serein et approfondi.
Liste des premiers signataires
Valérie Masson-Delmotte (LSCE)- Edouard Bard (Collège de France / CEREGE)- François-Marie Bréon (LSCE)- Christophe Cassou (CERFACS)- Jérôme Chappellaz (LGGE)- Georg Hoffmann (LSCE)- Catherine Jeandel (LEGOS)- Jean Jouzel (LSCE)- Bernard Legras (LMD)- Hervé Le Treut (IPSL)- Bernard Pouyaud (IRD)- Dominique Raynaud (LGGE)- Philippe Rogel (CERFACS)
Comme vous pourrez le constater :
Ignorons le dénigrement, la théorie du complot et les aspects politiques. Appliquons-leur simplement la même exigence de rigueur qu’à n’importe quel manuscrit scientifique."
a été supprimé.
Toute la fin de la lettre ouverte, à partir de "Plusieurs hypothèses" jusqu'à "cadre déontologique" a été remplacé par "Leurs auteurs oublient" jusqu'à "vrai débat scientifique serein et approfondi".
C'est la fin de la lettre ouverte qui a été modifiée : elle est moins longue, édulcorée.
Comme le remarque Véronique Anger :
"Oubliés le « sentiment d’impunité totale », « la mauvaise foi », « la théorie du complot », « la provocation », la longue envolée sur « la compréhension des liens entre gaz à effet de serre et climat » dans la nouvelle version datée du 29 mars".
Elle ajoute :
"En revanche, s’il est toujours question des « principes de base de l’éthique scientifique, rompant le pacte moral qui lie chaque scientifique avec la société », les pétitionnaires s’obstinent à ignorer les 7 publications scientifiques sur le climat dont M. Courtillot est l’auteur (avec M. Le Mouël).
Sept publications pourtant passées par le filtre standard des publications scientifiques et relues par des pairs : « Ces accusations ou affirmations péremptoires ne passent pas par le filtre standard des publications scientifiques. Ces documents, publiés sous couvert d’expertise scientifique, ne sont pas relus par les pairs, et échappent de ce fait aux vertus du débat contradictoire ». Cette affirmation tendancieuse me semble une bien curieuse façon de lancer un débat « serein », puisque tel serait le désir des 400 chercheurs-climatologues qui affirment : « Au vu des défis scientifiques posés par le changement climatique, nous sommes demandeurs d’un vrai débat scientifique serein et approfondi. »."
Les "500" ont été pris les doigts dans le pot de confiture... Ils n'en sortent pas grandis.
Francis Richard
Nous en sommes au
630e jour de privation de liberté pour Max Göldi, le dernier otage suisse en Libye