Force est de constater que rien ne semble pouvoir venir à bout du chômage, cette plaie des sociétés modernes. Gauche, Droite, Centre et Ailleurs, quels que soient les remèdes proposés, aucun ne s’est révélé vraiment pertinent. Pourtant une solution existe, audacieuse certes, mais qui a fait dans le passé la preuve de son efficacité puisque les sociétés qui l’appliquaient ignoraient aussi bien le licenciement que la mise à retraite d’office. Cette mesure, à la fois éprouvée, efficiente et simple peut et doit être appliquée au plus tôt. Elle tient en une phrase: «Il faut rétablir l’esclavage.»
Certes, il ne manquera pas de bonnes âmes pour crier au scandale. Mais je vous le demande: quand le salut public est en jeu, est-il permis de s’émouvoir des criailleries des ligues, associations et autres comités, amateurs de grands principes mais dénués du plus élémentaire sens des réalités ?
Comme d’habitude d’ailleurs, l‘usage précède et annonce la loi. Que serine-t-on à longueur de stages, de remises à niveau et de séminaires aux jeunes et moins jeunes demandeurs d’emploi ? – Qu’ils doivent apprendre à se vendre ! Ce qu’ils ont du mal à faire étant donné que l’hypocrisie moderne interdit un commerce que nos ancêtres ont pratiqué sans aucune espèce de souci depuis avant la révolution néolithique.
Tout le monde gagnera à cette clarification des rapports sociaux. Le pauvre, assuré du gîte et du couvert, verra son confort et son intégrité physique garantis par une simple extension des lois actuelles sur la protection des animaux. Le riche, soucieux de la qualité d’un cheptel qui constituera une part de ses actifs et donc de sa crédibilité boursière, aura pour ses esclaves une attention qu’il n’aurait pas accordée à ses salariés en vertu du principe qui veut que le propriétaire d’une maison soit beaucoup plus attentif à son entretien que s’il en était le locataire.
Disparaîtra aussi le désolant spectacle d’employés jetés à la rue après la cession de leur entreprise. Vendus, en même temps que les locaux, les machines et les voitures de fonctions, les travailleurs-travailleuses se verront aussitôt réinsérés dans le processus productif par leurs nouveaux propriétaires soucieux de rentabiliser au plus vite. leurs acquisitions
Dernier avantage, et non le moindre, l’officialisation de l’esclavage aura le même effet d’assainissement que la dépénalisation des drogues puisqu’il tarira les ressources captées par les diverses mafias qui s’adonnent aujourd’hui à ces trafics. Quand on songe aux bénéfices accumulés par les Triades, Cosa Nostra et leurs homologues, on se dit qu’on va chercher parfois bien loin de quoi boucher le trou des finances publiques alors que la solution est à portée de la main.
La mise en œuvre pourra se faire facilement. On fixera par décret un seuil de revenus en dessous duquel un individu deviendra automatiquement esclave. Il recevra un pécule qu’il sera libre ou non de faire fructifier en vue d’un éventuel rachat (l’histoire montre qu’il est indispensable de prévoir des procédures d’affranchissement). L’Etat l’attribuera alors à un citoyen assez aisé pour en faire l’acquisition moyennant un prix légèrement supérieur à la somme qui lui aura été versée. Le bénéfice sera affecté à l’extinction de la dette publique ce qui ne manquera pas de réjouir, entre autres, les éditorialistes financiers et les mânes du regretté Antoine Pinay.
Certes, il reste quelques légers problèmes à résoudre, mais nous avons à l’OMC, à la Commission Européenne et dans les diverses Banques Centrales, les experts qui sauront proposer les mesures nécessaires.
Enfin, et cela devrait suffire à convaincre d’éventuels opposants de gauche ou d’extrême gauche, l’Internationale redeviendra réaliste : on pourra désormais chanter « Foule esclave debout ! debout ! » sans sombrer dans le ridicule.
Chambolle