Magazine Culture
Dahan a toujours affectionné les figures brisées, héroïques dans leurs combats (la quête du Petit Poucet, La Vie Promise d’une jeune ado, le frisson chez Edith Piaf, la réapparition du goût de vivre chez Jane, ici, interprétée par une bouleversante Renée Zellweger), dévorées jusque dans leur chair par une existence féroce, cruelle et acharnée. Cœurs et corps sont cassés dans ce My own love song très personnel et plein d’espoir qui martèle par touches sensibles de poésie et de délicatesse un beau message de confiance et d’espérance en la vie, en l’humain en général, en ce que la banalité diurne peut cacher comme trésors lorsque cynisme et désespoir sont balayés d’un revers de main, d’une note de musique, d’une voix d’ange bouleversante, d’une rencontre sur le chemin, d’un bord de route qui dissimulait- derrière son âpreté- la beauté de l’échange. N’en déplaise alors aux séides du minimalisme, Dahan en fait des tonnes pour épater la galerie, affichant sans déplaisir sa volonté permanente de sublimer l’Amérique, ses paysages splendides, ses routes qui ne mènent, in fine, qu’à soi. Se servant des codes inhérents au road movie, il livre une tendre partition- lyrique et musicale- sur des êtres en décalage (forcé, subi, choisi) qui trouvent quiétude et raison de se battre à la nitescence d’une réciprocité affective, où chacun chasse les démons de l’autre en oubliant les siens. Comme d’ordinaire, l’univers de Dahan est (sur)chargé d’émotions et de créativité visuelle où se respire à plein nez la sincérité de son propos. Une authenticité qui permet d’ailleurs au cinéaste de noyer les quelques tentatives maladroites qui parsèment la route des protagonistes (le trip sous la lune, la poursuite en voiture) et d’élever les personnages affaiblis au rang d’héros du quotidien, colorant ainsi l’écran d’une douceur charmante et tranquille, loin de toute la commisération que l’on pouvait craindre.