Intéressant édito que celui de Marielle de Sarnez dans sa dernière lettre aux Franciliens. Sans prendre parti, je le publie intégralement et le soumets à la réflexion des lecteurs. Ce qui est certain, c'est que le laxisme budgétaire commence à sérieusement énerver nos amis Allemands. D'un autre côté, il n'est pas non plus heureux d'annoncer inopportunément des mesures susceptibles de faire grimper les taux d'emprunt de la Grèce. Ce pays va avoir le plus grand mal à redresser ses finances sans graves troubles sociaux ; le devoir des pays européens, c'est d'essayer de lui créer l'environnement le plus favorable possible pour ses emprunts. Toutefois, il y a des choses, hélas douloureuses, que personne ne peut faire à la place des Grecs. Il leur faut envisager des réductions très drastiques et des coupes sombres dans leur budget. Il y aura des décisions très difficiles à prendre. J'espère que les Grecs parviendront à préserver l'essentiel. Le problème, avec notre Europe, c'est qu'il faut bien admettre qu'à un moment donné une discipline budgétaire est nécessaire, faute de quoi l'Europe cesse d'être crédible. Voilà donc l'édito :
On peut dire :
- que le comportement d'Angela Merkel depuis le début de la crise grecque, la première aussi grave affectant la zone euro, contraste singulièrement d'avec les attentes que laissaient espérer et l'histoire et la pratique de l'Allemagne en matière de politique européenne. Certes, la chancelière affronte le 9 mai une élection cruciale en Rhénanie-Westphalie, le land le plus peuplé du pays pouvant faire basculer la majorité au Bundesrat, et elle se doit de répondre à son électorat qui ne supporte plus l'idée préconçue selon laquelle « l'Allemagne paiera ». Mais, en désavouant publiquement son ministre des Finances, Wolfgang Schauble, qui s'opposait à l'intervention du FMI, et en allant même jusqu'à poser le débat de l'exclusion d'un État membre de la zone euro, Angela Merkel a surtout don-né l'impression de dilapider l'héritage européen d'Helmut Kohl.
- que l'Allemagne est parvenue à imposer ses conditions, c'est-à-dire une intervention du FMI, contre l'avis publiquement affirmé (avant le Sommet des 25 et 26 Mars) du président de la BCE et du président de l'Eurogroupe. Jean-Claude Trichet et Jean-Claude Juncker qui se sont toutefois postérieurement rallié à cette solution. La Grèce a commencé à lever 5 milliards d'euros d'emprunts obligataires. Le taux qui lui est consenti, non seulement n'a pas baissé mais même augmenté à 7% ! Cet accord (qui n'aurait été activé que si la Grèce n'avait pu lever d'argent sur le marché) n'a donc que moyennement rassuré les investisseurs : ils prêtent, mais le différentiel de taux d'intérêt (spread) grignote les efforts très lourds consentis par les Grecs pour réduire leur déficit. Autrement dit, l'austérité imposée ne sert pas entièrement à rétablir l'économie mais à payer pour partie des pénalités d'intérêt que la Grèce n'aurait pas à payer si l'Allemagne avait accepté le système de garantie proposé par Guy Verhofstadt, qui aurait permis d'émettre des euro-obligations à un meilleur taux.
- qu'Angela Merkel assorti ce plan déjà très restrictif d'une condition de long terme : le durcissement du pacte de stabilité. Le Conseil européen a ainsi appelé à un renforcement de la gouvernance et de la surveillance économique, y compris des sanctions. Celles-ci ne sont pas précisées, mais chacun garde en tête les menaces d'exclusion de certains pays de la zone euro.
- que la question de la création d'un Fonds monétaire européen est également posée. Herman Van Rompuy devant remettre un rapport d'ici la fin de l'année, qui examinera « toutes les options juridiques possibles ». En filigrane, c'est peut-être la réouverture des traités qui s'annonce.