Réjouissant en même temps qu’accablant. Quand bien même serait-ce fort chronophage – mais quand on aime on ne compte pas, dit-on et je ne les remercierais jamais d’autant exciter ma verve ! - je n’en suis toutefois pas moins atterrée de constater quelles sont les préoccupations de ceux qui prétendent nous gouverner. Fort mal au demeurant. Comme bien souvent avec cette fine équipe de glandeurs chaque jour amène son lot de révélations stupéfiantes.
Ce n’est donc pas sans raison que j’affirme que cette affaire est digne d’un thriller de John Le Carré ou Morris West… Je ne manque certes pas d’imagination mais n’aurais point leur talent. D’autant que l’on a appris dernièrement que la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur) – rien moins que le contre-espionnage ! - a été mise à contribution dès le mois de mars. Bigre, c’est dire combien l’affaire a été considérée comme sérieuse par le Chef de l’Etat…
Malgré les dénégations de Carla Bruni. Envoyée au front pour balayer les rumeurs, «désagréables» mais «insigni-fiantes» sur son couple et «son mari» comme ironise Libération. S’il n’y avait pas de quoi casser trois pattes à un canard – fût-il “Enchaîné” - pourquoi diable faire autant d’histoires ?
Premier mensonge. Elle est démentie par Bernard Squarcini, patron de la DCRI : «Mon service a été saisi par mon autorité de tutelle, le directeur général de la police nationale Frédéric Péchenard, début mars» au sujet de cette affaire de rumeurs entourant le couple Sarkozy, afin d’«effectuer une remontée informatique au plus près du point de départ dans le temps et, si possible, de la source» cité par Libération Le contre-espionnage confirme une enquête sur les rumeurs du couple présidentiel.
Second mensonge : «Rachida Dati reste tout à fait notre amie» ! «Désormais je ne croirai plus aucune rumeur. Je ne crois donc pas la rumeur selon laquelle Rachida Dati aurait créé elle-même ces rumeurs». Cela voudrait-il dire qu’auparavant elle y apportait quelque crédit ? Je crois plus volontiers les observateurs qui remarquent que Nicolas Sarkozy ne peut plus blairer Rachida Dati “tout à fait” tombée en disgrâce et comme l’on ne prête qu’aux riches – le conseiller de Nicolas Sarkozy étant connu comme le plus grand dispensateur de rumeurs de la place de Paris - pourquoi ne pas voir dans toutes ces rumeurs la «Charon touch» ?
Ensuite de quoi, il ne reste plus à Bécassin qu’à “siffler la fin de la récré” au nom de cette mise au point définitive faite par la première Dame de France… Je me suis bien amusée en lisant ses déclarations péremptoires sur 20 minutes Luc Chatel sonne la fin de la rumeur. Il a estimé hier - sans doute à l’issue du Conseil des Ministres ? bien singulières occupations pour un gouvernement confronté à la pire crise économique et sociale depuis 1929 ! – que «l’affaire était close après l’intervention de Carla Sarkozy-Bruni la veille et d’ailleurs, elle n’aurait jamais dû prendre l’importance et l’ampleur qu’elle a prise, donc il faut vite sortir de cela, passer à autre chose (…) On sort de cette affaire tout va bien. (…) Ce que les Français attendent de nous, c’est qu’on apporte des réponses sur le fond à leurs problèmes dans la vie quotidienne»… Nous risquons d’attendre encore longtemps !
Comme si l’on pouvait ainsi décréter qu’une affaire est finie pour la seule raison qu’une des personnes qui y est mêlée aurait fait une mise au point que Nicolas Sarkozy souhaiterait définitive. Encore une fois – mentalité magique – il espère encore dans la “magie du verbe”… Celle-ci a longtemps fonctionné mais depuis fort longtemps les journalistes eux-mêmes scrutent ses déclarations aux seules fins de savoir s’il ment ou non.
Il y a fort à parier que cette affaire ne déclenchât encore pas mal de remous pendant longtemps. Quand on bat la boue d’un marigot de cette espèce, il en sort plus souvent des crocodiles qu’une pêche miraculeuse.
Mais méfions nous : «Carla Bruni-Sarkozy a raison de dire que la rumeur a toujours existé de tout temps, ce qui se passe c’est qu’aujourd’hui, avec les moyens technologiques actuels, ça atteint des sommets» (…) «Ca doit nous interpeller»… «il faudra avec le recul nous interroger». J’y vois en effet en filigrane une menace pour la liberté d’expression des journalistes et bien entendu des blogueurs. Lors même que la presse française aura été exemplaire.
Non seulement la rumeur n’a guère eu d’écho avant que l’Elysée ne nous fasse tout ce barouf mais aucun nom, autre que ceux de Carla Bruni et Nicolas Sarkozy n’a jamais été jeté en pâture d’après la masse d’articles de la presse quotidienne nationale que j’ai pu explorer. A contrario de Pierre Charon ou quelques autres personnes de l’entourage présidentiel qui n’ont pas redouté de lancer celui de Rachida Dati.
Malgré les propos lénifiants de Carla Bruni tels que les rapporte 20 minutes Carla Bruni répond aux rumeurs sur son couple : elles sont «insignifiantes» «Je suis venue pour relativiser, éviter qu’une affaire qui n’a aucune importance prenne des proportions ridicules (…) La préoccupation de mon mari, ce sont les Français (…) Ce qui me préoccupe moi, c’est d’aider mon mari (…) Je considère que nous ne sommes victimes d’aucun complot. Les rumeurs ont toujours existé (…) Il n’y a pas de complot, il n’y a pas de vengeance, ça ne nous concerne pas, on a tourné la page depuis bien long-temps» - il me semble que nous soyons à mille lieues de cette “lexomyl attitude” de pure façade.
Pascal Froissart, maître de conférences à Paris-VIII, chercheur au laboratoire Communication et politique du CNRS et auteur de “La Rumeur. Histoire et fantasmes” (Paris, Belin) interrogé par Le Monde le 6 avril 2010 pour qui “la réaction du président est particulièrement violente” et pour le moins “disproportionnée” est bien plus proche de la vérité quoique ses explications restassent dans le domaine strictement politique alors que c’est bien plutôt un psychiatre ou un psychanalyste qu’il faudrait convoquer. Serge Hefez l’analysant à partir de la grille de lecture du pervers narcissique, par exemple. Un tel concentré de haine recuite et de volonté de vengeance relevant forcément d’une pathologie grave.
Pourquoi subitement ce matin quand je préparai mon premier café le nom de François de Grossouvre a t-il flotté dans ma mémoire ? Proche de François Mitterrand, bien mystérieusement “suicidé” dans son bureau de l’Elysée et qui plus est – pour une éminence africaine du chef de l’Etat - la veille de l’attentat qui coûta la vie du président rwandais le 6 avril 1994, avec toutes les conséquences que l’on sait. Voilà bien de quoi donner matière à Jean Duchateau – pseudonyme derrière lequel j’ai toujours pensé que se cachait Jacques Attali – pour un second tome de «Meurtre à l’Elysée»… également paru en 1994.
Il flotte actuellement sur l’Elysée une atmosphère au moins aussi putride qu’au moment des célèbres “écoutes de l’Elysée” mais je doute que l’on retrouvât quelque jour Pierre Charon, très spécial conseiller en communication de Nicolas Sarkozy baignant dans son sang car si j’en crois Libération se serait le trublion qui terrifie son camp… A moins que, précisément il ne devint trop gênant ? Quand je vous dis que mémé Kamizole ne manque pas d’imagination
Ainsi, pour supposer que du début à la fin tout ceci ne serait qu’un piège destiné à faire tomber définitivement Rachida Dati.
Faire semblant de déstabiliser Nicolas Sarkozy pour nuire in fine à l’amie de Cécilia ex-Sarkozy ? Notez que Pierre Charon y trouverait également un intérêt politique personnel : Il aurait l’ambition de chiper le poste de sénateur actuellement occupé par Philippe Dominati qui fait partie des quelques personnalités de l’UMP soutenant l’ex-garde des Sceaux… Apprends-je sous la plume d’Alain Affray dans Libération qui traite plus généralement de la disgrâce finale de Rachida Dati.
Ah ! les intrigues de cour… Assisterons-nous à une nouvelle “Journée des dupes” ? 10 novembre 1630 : Charon-Richelieu confortant son pouvoir au détriment de Rachida Dati-Marie de Médicis – définitivement exilée à Bruxelles ! de même que l’intrigante mère de Louis XIII. Il s’en faudrait toutefois de beaucoup que Pierre Charon eût l’intelligence et surtout le “sens de l’Etat” du Cardinal.
En attendant la suite de ce feuilleton, je vous conseille de lire un article particulièrement vachard mais tordant d’Antoine Guiral pour Libération Depuis 2007, une présidence de boulevard… «Au théâtre ce soir» ? C’est exactement cela et j’ai bien pouffé de rire quasi à chaque ligne. Le sous-titre annonce la couleur : «Entre rebondissements sentimentaux, et règlements de comptes, l’Elysée inclut le vaudeville dans la pratique politique».
Quelques extraits pour vous mettre l’eau à la bouche. «Les Français souffrent de la crise, le chômage est à plus de 10%, un électeur sur deux s’abstient… Détendez-vous, oubliez tout : le sarkozysme est une formidable machine à distraire et à détourner l’attention. (…) Point commun de tous ces épisodes : la rumeur (avec son cortège de dérapages) y est omniprésente. La nouvelle saison qui s’est ouverte le mois dernier frappe fort : haletante, sexy, brutale, trash, elle joue sur tous les registres à la fois».
A suivre… les prochains épisodes seront sans doute aussi palpitants. «Dallas» et autres séries du même tonneau sont désormais tournées au 88 Bd Saint-Honoré. C’est bien le moins pour Sarko l’Amerloque !