Beaumarchais, sa vraie vocation. (Season 4/5)
D’après Bernard Faÿ, op. cité.
Les femmes passaient, le théâtre continuait à le hanter. Cela ne datait pas d’hier. Dès 1758, quand il étudiait son latin, son classique et dévorait Rabelais, il se sentait une vocation d’auteur. Alors, il ne songeait ni à rédiger un roman, ni à composer ces petits vers qu’il aimait dans son enfance, ni la poésie, mais toujours du théâtre.
Le 13 janvier 1769, la salle de la Comédie française, alors aux Tuileries, était comble.
Dans la plus belle loge, on admirait la charmante duchesse de Chartres, la femme la plus riche de France, comme la plus gracieuse. On discutait. Le parterre s’agitait. La troupe était remarquable. Les décors et les costumes des acteurs étaient splendides. On allait jouer « Le mariage de Figaro » et procurer à son auteur un succès. La critique, elle, était parfois très médisante. Beaumarchais se défendait ou laissait dire, selon son humeur.
Depuis une dizaine d’années, il s’amusait à écrire de ces pièces populaires, que l’on nommait « parades », pièces assez grossières, inspirées du théâtre italien. Des intrigues simplistes, des personnages pris dans les farces ou dans les rangs les plus bas de la plèbe, un langage déformé à plaisir pour donner l’impression du jargon des faubourgs, tout cela piquait la curiosité du public mondain et permettait à l’auteur de lancer d’adroites indécences, de savoureuses grossièretés que, sans cela, on n’eut point admis. Les deux plus connues de ses parades sont « Les bottes de sept lieues » et « Jeanbête à la foire. »
Ces scénarios comportaient des ariettes, dont Beaumarchais faisait lui-même la musique. Parfois il l’empruntait à des airs espagnols ou italiens.
Ces pièces de bas étage ont une verve, un mouvement, un réalisme qui les met au-dessus des productions du même genre.
Mais dans ses saynètes, il a trouvé les deux moyens dont il va désormais se servir : rapidité de l’action toujours en marche, avec un langage direct et dur.
Le 3 janvier 1773, les Comédiens français acceptaient « Le barbier de Séville ».
Le 26 septembre 1783, on jouait « le mariage de Figaro ». Or, le 29, se signait à Versailles le traité qui terminait la guerre. Elle se terminait par le triomphe des Etats-Unis, que l’Angleterre devait reconnaitre comme libres et indépendants. La France récupérait le Sénégal, la liberté pour ses comptoirs de l’Inde, celle de Dunkerque et apparaissait comme la nation la plus forte d’Europe.
Lors de la réservation pour la représentation du « mariage » en avril 1784, les guichets étaient envahis, les portes défoncées, les grilles arrachées. Trois personnes moururent étouffées, « une de plus que pour Scudéry » lança La Harpe.
La pièce occupait toute la soirée de 17heures 30 à 22 heures. C’était un peu long. Beaumarchais raccourcissait sa pièce d’une ½ heure. Le succès ne cessait de croître, la critique aussi.
Le 19 août 1785, « le barbier de Séville » fut interprété au Trianon par la reine dans le rôle de Rosine, Artois jouait Figaro, le duc de Guise était Bartholo et Vaudreuil, Almaviva. Le rôle de Bazile était tenu par le marquis de Crussol.
A cette époque, Beaumarchais travaillait sur son opéra : « Tarare », avec le concours de Salieri (celui du film ‘Amadeus’) qu’il logeait chez lui et qui était le meilleur élève de Glück.
Pierre Augustin rejoignait le musicien vers 10 heures du soir, et tous deux, près du piano, examinaient la valeur du travail réalisé par Salieri durant la journée. Beaumarchais, exigeant une fidélité scrupuleuse de son texte, vérifiait l’exactitude de la transcription musicale.
L’idée originale était de réduire la musique à accompagner et souligner le texte, sans l’interrompre, sans ralentie l’action : plus de belcanto, ni de roulades. Beaumarchais voulait des récitatifs avec ça et là des airs vifs pour égayer la pièce
Ce n’était pas une petite affaire que de monter un opéra comme « Tarare ». Les décors ont couté 30000 francs, les costumes : 20000.
La conception en était maçonnique et philanthropique. Les thèmes du divorce et du mariage des prêtres y étaient à l’honneur.
Le 5ème acte ayant été hué aux répétitions, Beaumarchais le supprima.
La 1ère représentation eut lieu le 8 juin 1787. Ovation pour les acteurs et pour le musicien. Beaumarchais n’était pas présent.
En 1791, Beaumarchais finissait d’écrire un drame : « La mère coupable ».
Un nouveau théâtre venait de s’installer au Marais. La première représentation y eut lieu le 26 juin 1792.
Le public applaudit le premier et le quatrième acte, supporta le 2ème et le 3ème mais siffla le 5ème.
En 1793, Beaumarchais écrit « Six époques ». Il en fait imprimer 6000 exemplaires.