Début 2010, à l'issue du Forum de Davos, l'ONG Greenpeace a remis à GDF Suez le Public Eye Award de la pire entreprise en matière de responsabilité sociale et environnementale. A cette occasion, elle cristallise l’opération de déstabilisation qu’elle mène contre GDF Suez en Amérique latine.
En 2009, après le lancement d'un « Programme d’accélération de la croissance » voulu par le président Lula, GDF Suez remporte un marché de production d'hydro-électricité avec la construction du barrage de Jirao dans la forêt amazonienne au Brésil. La construction du barrage a cependant eu des impacts sociaux et environnementaux non-négligeables avec le déplacement de populations autochtones et la destruction d’une partie de la faune locale.
Greenpeace et d'autres associations se sont acharnées à dénoncer de tels agissements, dénonciation qui a quelque peu pris des allures de déstabilisation.
Ce qu'il est important de relever dans cette affaire est le modus operandi de la déstabilisation menée par Greenpeace qui est sans rappeler les opérations de Public Citizen en Argentine et en Bolivie à l’encontre des industriels de l’eau. Le mode opératoire ainsi que les paramètres cible / attaquant / localisation sont identiques en tous points :
- La cible reste une entreprise française convoitant un marché d’Amérique latine
- L’attaquant reste une organisation fortement liée aux Etats-Unis
- Le champ de bataille reste la zone Sud-Américaine.
- Le modus operandi suivi Public Citizen pour ses destabilisations en Argentine et Bolivie, a été scrupuleusement décomposé par Christian Harbulot, expert en Intelligence Economique, en 2005. Il a consisté à :
- Ne jamais monter au créneau seul pour renforcer et légitimer sa prise de parole.
- Donner une dimension internationale à son réseau.
- S'appuyer sur le contexte politique du pays.
- Mener une action d'agit-prop
Dans l'affaire qui nous intéresse, Greenpeace s'est associée à des associations locales Associação de Defensa Etnoambiental Kanindé, et d’autres plus internationales comme Les Amis de la Terre, Amazon Watch, Survival International et l'association française Fondation France Libertés – Danielle Mitterrand. Elle s'est donc entourée d'un réseau lui apportant de la crédibilité et lui permettant d’exporter le problème au-delà des Amériques.
La situation éco-géopolitique du pays s'est avérée être un terrain fertile à l'exposition médiatique du cas. Le Brésil, avec son essor économique et le charisme de son président Lula, s’est imposé, ces dernières années, comme un acteur incontournable du G20. Greepeace bénéficiait alors de toute la lumière portée sur le pays.
Enfin, à l'occasion du Forum de Davos, pour signifier la préoccupation des politiques et grands décideurs de la planète aux enjeux de la mondialisation, une cérémonie de remise de Public Eye Awards a été instaurée. Les ONG du monde entier nominent, le public vote pour oscariser les entreprises qui n'assument pas leur responsabilité sociale et environnementale. Le prix est assimilé à l'oscar de la honte, un bon moyen d’exposer au monde les agissements des "mauvaises entreprises". Greepeace, alors juge et parti, puisque l'ONG a nommé et organisé ces Public Eye Awards, a réussit un coup d'éclat avec la "victoire" de GDF Suez.
Après cette mise en parallèle de ces deux opérations de déstabilisation, la question subsistante est l'issue. L’agitation provoquée par Greenpeace aura-t-elle alors le même effet que les opérations de Public Citizen contre les entreprises françaises, à savoir leur départ d’Amérique Latine ?
MF
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