William Morris a treize ans lorsqu’il est envoyé au Malborough College pour devenir prêtre. Nous sommes en 1847 et la vie au pensionnat est difficile pour un jeune garçon rêveur à l’imagination sans limite. Pour s’évader, William passe son temps libre dans le jardin du collège. Armé d’un crayon et du carnet rouge que son père lui a offert avant de disparaître, il écrit des poèmes et dessine le paysage bucolique qui l’entoure. Mais lorsqu’un enseignant confisque son carnet en lui reprochant de passer trop de temps plongé dans ses rêveries, le jeune garçon ne peut retenir ses larmes…
En choisissant de raconter l’histoire romancée du père fondateur du design moderne, Benjamin Lacombe n’a pas choisi la facilité. Créateur des arts décoratifs, William Morris a été une des principales sources d’inspiration de l’art nouveau. Les événements relatés dans l’album sont en quelque sorte les moments clés qui vont déclencher la vocation du jeune William, non pas pour l’église, mais pour l’architecture, les lettres et la création d’objets décoratifs à la fois fonctionnels et esthétiques.
Le texte, assez court, est à la fois simple et riche au niveau lexical. Les événements se déroulent de façon linéaire, sans difficulté de compréhension particulière pour un jeune lecteur. Au niveau graphique, le travail d’Agata Kawa est tout simplement exceptionnel. Hommage au courant préraphaélite (mouvement artistique anglo-saxon né en 1848), chaque illustration pleine page est une composition à la fois figurative et onirique fourmillant de détails. Que dire de plus ? C’est beau, un point c’est tout. Une infime remarque peut-être sur les visages qui sont parfois un peu figés. Mais il faut vraiment vouloir chercher la petite bête !
L’ouvrage dans son ensemble est un objet-livre magnifique au format atypique (22x36 cm) et au dos toilé rouge imprimé qui lui confère un charme un peu rétro du plus bel effet.
Restent tout de même deux questions en suspens :
- A qui s’adresse un tel album ? Le prix (18 euros) refroidira plus d’un acheteur potentiel. Ensuite, difficile d’imaginer les enfants se passionner pour un tel sujet. C’est donc à mon avis un livre qui plaira davantage aux adultes amateurs de beaux livres et/ou fans de Benjamin Lacombe (ils sont heureusement nombreux). Il aura également sa place dans les rayons jeunesse de toutes les médiathèques dignes de ce nom.
- Comment vais-je faire pour le ranger dans ma bibliothèque ? Il est trop grand pour tenir debout entre deux étagères. Je vais donc devoir le coucher. Pour le coup, visuellement, c’est très moyen. Je sais, c’est un détail, mais ça me chagrine beaucoup de ne pas voir un livre disposé dans le sens « naturel » qui doit être le sien.
Le carnet rouge, de Benjamin Lacombe et Agata Kawa, édition Seuil Jeunesse, 2010. 40 pages. 18 euros. A partir de 8 ans.
L’info en plus : Le prochain ouvrage de Benjamin Lacombe s’intitulera Longs Cheveux et racontera l’histoire de Loris, un petit garçon aux cheveux longs, tellement longs qu'on le prend souvent pour une fille. Un album pour les petits qui devrait paraître le 20 mai 2010.