Le démocratisme populaire contre le mythe de peuple

Publié le 08 avril 2010 par Tudry

Patrouille du conte, Pierre Gripari, L'Age d'Homme, Lausanne, 2009, collection Revizor.

Une milice contre-mythologique

Pierre Gripari, gai-luron des lettres autant que de l'esprit, avait bien compris le complot du démocratisme qui prétend imposer la paix par le marchandage des voix, un homme/une voix/un vote ! Tel est le slogan unifiant de l'universalisme moralement correct ! Les qualifications et qualités de tel ou tel homme ? Discrimination (encore, monsieur Gripari ignorait nos heureuses années, inventrices satisfaites de la discrimination « positive ») ! Egalité qu'on vous dit ! Et pour égaliser il faut rogner ! Oui, ce qui dépasse il est préférable de le gommer avant que ça grogne !

Mais, Gripari était encore de ces grognards qui, quoique qu'avec un sourire, goguenard ou sardonique, le plus souvent, savaient mettre la plume la où ça coince, là où il devenait vraiment délicat de raboter sans être vu ! Un empêcheur d'égaliser en silence, quoi ! Oui, dans un sens. Mais, de notre point de vue, un véritable secouriste, un sauveteur en haute-mer. Et pas des moindres, sans bouée ni gilet il s'est jeté à coeur perdu dans une entreprise des plus périlleuse; pompier un brin réactionnaire au secours des contes populaires menacés par les démocratiques équarrisseurs !

La révolution est forcément réaliste, elle ne saurait admettre ou tolérer (puisque c'est un mot qu'elle affectionne beaucoup), les hiérarchies obscurantistes, les archétypes ritualistes et tous ces mots, toutes ces idées qui fleurissent dans les contes populaires. D'ailleurs si la révolution se fait pour le peuple, elle est aussi contre lui en se qu'elle entend le libérer de cette condition populaire !

Haro ! donc, sur les contes !

Et, précisément, c'est sous la forme d'un conte que Gripari va joyeusement nous entraîner à la suite d'une patrouille chargée de remettre bon ordre révolutionnaire et démocratique dans le « royaume » des contes. Royaume qui devra, bon gré mal gré en venir à une forme civilisée et policée de gouvernement, et il ne saurait en être d'autre que républicain. On s'amuse follement à suivre les déambulations sérieusement grotesque de ces jeunes bambins enrôlés dans la Patrouille du Conte. Policiers au service de la pensée unique qui s'en vont sermonner le Grand Méchant Loup et en faire le « fidèle » toutou de la Mère Grand, ou bien le Père Lustucru, au nom de la protection des animaux et de la santé publique...

Mais, et Gripari, en cela, agit en vrai moraliste, tout en se réjouissant de toutes ces improbables aventures nous assistons à l'analyse méticuleuse (elle l'est d'autant plus qu'elle est plus drolatique, ainsi de l'irréductibilité des trois petits cochons qui deviennent de vrais terreurs à vouloir faire entendre les droits inaliénables de la gents porcines) de tous les ressorts de la pensée égalitariste révolutionnaire.

Par ces temps si lourds, où même l'humour devient une séquence de la grande programmation cérébrale globalisée, ce petit livre en devient presque un essentiel manuel de survie et de combat. Il permet, en outre, de survivre et de combattre, avec au coin des lèvres un petit sourire, que demanderions-nous de plus ?