L'article 50 1 du projet de loi « jeux en ligne » prévoyait à l'origine que l'Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL), autorité administrative indépendante, puisse ordonner aux fournisseurs d'accès Internet le blocage des sites de jeux en ligne contrevenant à la législation française. En première lecture, les amendements de suppression, ou visant à repousser le blocage de l'accès aux sites en bordure de réseau à l'aide de logiciels installés volontairement par les internautes, ont été repoussés. Des garanties importantes avaient toutefois été réintroduites puisque les amendements confiant au juge des référés le prononcé des mesures de filtrage, comme le prévoyait le texte initial, avaient pu être votés contre l'avis du rapporteur du projet de loi, Jean-François Lamour. Le texte adopté aujourd'hui conserve ces éléments.
Le texte ainsi voté n'est donc plus en opposition avec la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin dernier, qui souligne qu'aucune restriction à la liberté d'expression et de communication ne peut être prononcée par une autorité non-judiciaire2. Cependant, le filtrage de sites Internet, facilement contournable, est inefficace. Surtout, il fait courir un important risque de sur-blocage et porte atteinte à la neutralité du Net. Malgré le recours à une procédure d'urgence, il incombera au juge de s'assurer que les mesures de filtrage, compte tenu des dangers qu'elles font peser sur la liberté d'expression et de communication, soient proportionnées aux buts recherchés.
« L'intervention du juge, si elle constitue une garantie importante du point de vue de la protection de la liberté d'expression et de communication, ne résout pas le risque de sur-blocage de sites parfaitement légaux. Le filtrage reste une mesure à la fois inefficace et dangereuse, qui va à l'encontre du principe fondateur de neutralité du Net. Jusqu'ici pratiqué principalement dans des régimes autoritaires, le filtrage du Net se banalise en Europe. Alors que le Sénat se penchera dans les semaines à venir sur le filtrage du Net au travers du projet de loi LOPPSI 2, les pouvoirs publics français et européens doivent prendre conscience des limites et des dangers de tels dispositifs », conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l'organisation citoyenne La Quadrature du Net.