Les Invités de mon Père a un défaut majeur : être mal vendu. La bande-annonce donne l’impression d’avoir affaire à une comédie douce-amère et grinçante sur l’immigration, la vieillesse, l’héritage… Après vision du film, on se rend compte que si on a eu bon sur le fond, la forme est tout autre. Il s’agit en effet d’une véritable comédie dramatique, au sens premier du terme : un film tantôt drôle et tantôt sombre, mettant en avant l’ombre et la lumière de personnages et d’une histoire.
Caricatures d’une certaine classe sociale, bien-pensante, clairement bourgeoise mais consciente de sa situation, les personnages du film voient débarquer une immigrée moldave et sa fille - des sans-papiers. Ils emménagent chez le père, un Michel Aumont toujours impeccable, ancien résistant et homme intègre, droit et moral. Les enfants, Viard et Luchini, excellents, se prêtent au jeu, apprécient plus ou moins l’arrivée de cette « pute » comme ils l’appellent gentiment, pensant d’abord à un geste humain, comme le père a toujours fait.
Magistralement, Les Invités de mon Père commence alors à se décaler, à glisser vers un film plus sombre mais toujours amusant grâce à ses dialogues, sur l’héritage, l’argent, la reconnaissance. Luchini se rend compte que son père qu’il n’a jamais satisfait lui vole sa crise de la quarantaine. Viard, elle, réalise qu’elle ne veut pas finir comme ce modèle de droiture et qu’elle veut prendre du bon temps, tout comme son père et sa Moldave.
C’est par de petites touches que l’on commence à discerner l’horreur de la situation, la douleur des enfants. Au détour d’une crise de larmes dans la cage d’escalier, Viard s’interroge : “Qu’avons-nous fait ?” On tremble avec elle, on la déteste, cette Moldave… Et puis on l’entend parler de ce père, qui finalement est un homme comme les autres. Qui se glisse dans la chambre le soir. Et qui consomme du Viagra. Un homme quoi. Et si la Moldave se gave des richesses qu’elle a sous la main et qu’elle se tait, c’est pour l’avenir de sa fille..
Au final, c’est un véritable anti “Welcome” que nous propose ici Anne Le Ny : faut-il se sacrifier pour des immigrés, des sans-papiers ? Faut-il détruire sa vie et sa famille ? Peut-on aimer alors même qu’on abandonne ceux qui nous aiment (mais pas comme on veut, peut-être) ? De nombreuses questions qui trouvent dans Les Invités de mon Père des réponses, mais jamais celles que l’on veut ou que l’on cherche. Le parallèle avec la résistance, évoquée sans jamais apparaître, plane avec talent sur le film.
Même si l’ensemble souffre d’un montage mal fichu et d’une mise en scène trop sobre, on ne peut que saluer, en ces temps de polémiques et de scandales, la puissance d’une oeuvre qui ne fera plaisir à personne, dure et froide, drôle et plaisante. Une comédie dramatique, au sens premier du terme.
En salles le 31 mars 2010
Crédits photos : © UGC Distribution
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