Qu’est-ce que le reel ( i) ?

Publié le 08 avril 2010 par Jeanjacques

Avec les physiques quantique et relativiste, il semble bien qu’un trouble existe paradoxalement sur la notion de réel que traite justement la science physique. L’objet paraît se réduire à sa formalisation mathématique et ne semble plus  "exister " en tant que tel, doté d’une forme, d’une substance, d’une position dans l’espace. Cela a pu prêter à toutes les dérives dont la science est aujourd’hui victime et qui pourraient expliquer les impasses où elle se trouve réduite.

Nous voudrions dans deux notes tout autant terminales faire le point sur la question.

I- Tout individu de la matérialité, est en situation de relation avec le « non-lui » ce qui suppose définie une extériorité corrélative. Cette extériorité est dénommée traditionnellement le « réel ».

Le réel « s’oppose » au  Rien, à l’absolument inexistant et pour l’en différencier, il faut bien supposer qu’il est constitué d’une substance quelconque dont la réalité peut s’appréhender par les effets produits sur un autre étant

Il est impossible, sauf par un procédé purement logique, de donner un contenu au Rien qu’on ne peut opposer à la substance : le contraire de la substance n’a aucun sens. Il n’y a pas de négation possible au réel, sauf à transférer ses propriétés sur le mode de l’esprit ou d’une façon générale à la perception. Le perçu est toujours « de quelque chose ». Lorsque l’information est traduite/enregistrée/codée sous forme d’agencement des cellules constituant les neurones, le réel demeure inscrit comme témoignage d’une présence.

Si on ne pose pas une égalité première :  réel = substance on ne peut philosopher sur quoique ce soit car il devient impossible de définir un objet, une réalité, extérieurs à la conscience (ou à l’appareil de mesure). La scission sujet/objet et esprit/matière corrélative est l’acte premier du savoir, le premier moment de la métaphysique. Cette scission permet de poser la corrélation par lequel l’Un nous autorise à déterminer l’Autre comme existant. Dés lors que la relation est établie, la connaissance de l’un par l’autre est rendue possible. Le face à face sujet/objet (la corrélation) monde perçu/monde donné, est une structure ontologique constitutive de toute la matérialité et partant de l’organisation du cosmos.

Cette relation constitutive de tout étant est par nature un rapport avec l’Autre que soi (le réel c’est l’Autre que soi). Cela implique que le réel est fondamentalement le résultat d’une perception. L’existence du réel, la preuve de l’extériorité d’un étant est toujours un donné par lequel l’un perçoit l’autre par le moyen de divers procédés de perception et d’enregistrement des signes multiples prodigués par l’objet qui manifeste ainsi son existence.

Mais la perception suppose le passage des signes émis par l’extériorité à travers les filtres des organes et procédés perceptifs ce qui implique toujours une  traduction telle qu’on n’est jamais assuré que l’objet perçu corresponde à l’objet réel. Se trouverait ainsi opposés un objet absolu « en soi » inconnaissable et celui issu de la représentation d’un sujet connaissant. Nous sommes au cœur d’un dilemme puisque tout savoir suppose une scission entre sujet et objet à partir de laquelle la perception de l’un par l’autre est rendue possible. Aussi, le savoir absolu, l’en soi de l’objet, impliquerait l’absence de scission... ce qui rend impossible tout savoir. Ce concept de savoir absolu constitue un interdit logique déduit d’une impossibilité physique. Il suppose que la vérité totale du réel reste enfermée dans l’objet, que cette connaissance absolue soit opérée de l’intérieur, qu’il soit apte à se connaître lui-même.

S’il ne peut y avoir de savoir et de vérité absolus « en soi » alors toute information perçue par les organes est relative à la structure et capacités de ces organes. Ceci conduit à constater qu’il ne peut y avoir une représentation absolue du monde, d’un objet, et que toute connaissance est RELATIVE au sujet qui perçoit. Ce savoir est donc toujours savoir par un autre puisque aucun étant, (hormis l’homme[) n’est capable tout à la fois de se positionner en intérieur/extérieur pour se connaître lui-même.

Ainsi, ce sont toujours les organes ou les appareils d’observation qui construisent la réalité de l’objet observé. De ceci on ne doit pas conclure qui puisque relative au sujet, le savoir ne saurait être vrai et consécutivement le réel n’aurait aucune consistance, que le cerveau ne fait que construire des fictions, des simulacres qui n’ont de sens que pour le sujet connaissant.

Selon Hume, puisque nos connaissances reposent sur nos impressions sensorielles, aucune connaissance n’est jamais certaine. Le savoir objectif du monde, « l’en soi » de l’objet est impossible.Comme il ne peut y avoir de connaissance hors d’une séparation sujet/objet et que toute connaissance est perception des informations envoyées par l’autre, il faudrait douter de nos sens comme aptes à décoder exactement la sensation perçue. : le monde devient fausseté absolue. Ou illusion : le monde objectif n’existerait pas puisqu’il dépend de la perception subjective.

Cette capacité à recevoir et à « interpréter » le réel par la médiation des sens ou autres procédés de perception n’est pas le propre de la seule conscience puisqu’elle constitue la modalité unique du fonctionnement de l’univers dont tous les éléments sont en rapport d’action et de réaction. C’est le cas de la matière et de l’expression des forces électromagnétique, nucléaire et gravitationnelle par lesquelles chaque particule est en interaction avec les autres. Ce processus détermine tout le vivant.  Ainsi de la bactérie entretient-elle des rapports d’action et de réaction (messages chimiques)qui lui permettent de « connaître » son environnement. Ses différentes propriétés sont adaptées aux contraintes du milieu. L’individu vivant est doté d’une membrane ou autre procédé le séparant de l’extérieur et communiquant par des organes sensoriels et des organes d’action. Ces organes sont reliés par un système nerveux lui-même doté, pour les organismes évolués, d’un cerveau reliant l’ensemble permettant la mémorisation et de traitement des données provenant des sens. Pour survivre, il doit donc trouver dans son milieu les éléments lui permettant de se développer et éviter ceux susceptibles le faire disparaître. Il doit donc se construire une représentation de ce milieu. Il élaborera par essais et erreurs, des stratégies de survie et de développement. C’est l’ensemble de ces adaptations qui sont mémorisées par les gènes de l’espèce et sur le court terme par le cerveau de chaque individu.

Ainsi, par l’expérimentation, les essais et erreurs un organisme va se constituer sa représentation vraie (pour lui) de son environnement au cours de son évolution et que ses organes sensoriels vont se perfectionner pour approcher vers la description la plus parfaite du réel.  Par les mutations génétiques, l’organisme perfectionne ses capacités d’analyse et construit une nouvelle représentation de son environnement, à chaque fois plus adaptée, plus vraie, car en cas d’erreur l’organisme inadapté ne survivra pas. Dès lors, chaque espèce adaptée à son environnement, pour la part du réel qui est nécessaire à sa survie et à son développement, a mis en place un « modèle » à partir duquel ils pourra interpréter correctement les stimuli et réagir en conséquence.

Dés lors, expérimenter sur les objets du monde consiste à formuler des hypothèses sur leur texture, nature , propriétés etc, lesquelles, si elles s’avèrent exactes par vérification, vont constituer le réel tel qu’il est effectivement

Ainsi, au cours de son évolution l’esprit n’a cessé de perfectionner ses modalités de perception et d’analyse du réel pour s’y adapter avec plus d’efficacité. Cette fonction de construction du réel extérieur n’est pas différente de celle établie par les espèces dont le système nerveux est plus simple. L’esprit construit un modèle du réel beaucoup plus étendu et flexible que celui des organismes plus simples lui permettant de développer des stratégies de réaction à retardement plus subtiles et non plus immédiatement réactives.

Ainsi, un modèle du monde est « vrai » lorsqu’il permet le plus parfait accord entre le résultat des expérimentations sur celui-ci et les hypothèses qui constituent ce modèle. Il est d’autant plus général et englobant, il décrit d’autant mieux les exacts contours du réel, qu’il peut le mieux intégrer un nombre plus important d’informations vérifiées. Ce modèle, cette conception du monde, doit remplir sa première mission qui est celle de toutes les espèces vivantes : pouvoir assurer la survie et le développement comme expression de la volonté d’exister.

Comme on le constate, l’adaptation du savoir au réel est identique quelque soit le niveau théorique de celui-ci. Le principe de l’ajustement du stimuli à sa compréhension représente une procédure universelle dont usent aussi bien les organisme les plus primaires que le cerveau de l’homme le plus développé. Il en résulte également que tout organisme construit nécessairement sa conception du monde que lui permettent ses organes sensoriels et corrélativement à son environnement. Ce modèle du monde n’est pas absolu, puisque toujours perfectible, mais contient les seules connaissances permettant à l’espèce de s’adapter au mieux aux contraintes et résistances effectives qu’elle perçoit et qui constituent la réalité du réel.