Ligue des Champions. Retour à la normale ?

Publié le 08 avril 2010 par Vinz

Le verdict des quarts de finale est tombé. On a le sentiment de retomber plusieurs années en arrière. Quatre demi-finalistes, quatre pays différents et aucun de sa Majesté. Voici le point de vue d’un non-spécialiste. Il ne sera pas purement sportif.


Dans un  précédent article, je n’avais pas manqué de souligner la configuration particulière de la phase finale de la Ligue des Champions 2010. 8 nations représentées en huitièmes de finale. Cette année, c’était encore 6 en quarts de finale avec les exceptions franco-anglaises.

Les Anglais confirment.

Bien sûr, il est encore tôt pour tirer des conclusions sur l’évolution des forces respectives des clubs européens et des championnats. On notera quand même l’absence de tout représentant anglais en demi-finale. Les experts aviseront certainement que cela remonterait au plus tôt au début des années 2000 (en tout cas 2003). Par rapport à ce que j’avais avancé il y a quelques semaines, les données n’ont pas changé et les interrogations non plus. Mais les difficultés financières, les contraintes rencontrées par les clubs anglais ont semble-t-il rééquilibrer la donne dans une mesure qui me semble plus juste, en tout cas sportivement moins absurde.

Quoiqu’on en dise et qu’on en pense, la présence massive des clubs anglais s’appuyait sur une puissance financière énorme, qui permettait de renouveler les effectifs et de lutter sur plusieurs tableaux. Manchester United, club dont la stabilité est en tous points remarquables et dont le chiffre d’affaires est le plus élevé de tous les clubs sportifs au monde, n’échappe pas à la règle en raison d’un fort endettement. La marge de suprématie s’est nettement réduite, faute de renouvellement. Et les absences de stars se font davantage sentir : certes Rooney a été titularisé hier contre le Bayern, mais c’est lui qu’on remplace avant l’heure de jeu. Et quand on connaît son talent…

Arsenal peut déjà s’estimer heureux d’avoir eu quelques chances de qualification : un match nul heureux à l’aller et quelques minutes en position favorable avant que Lionel Messi n’achève un incroyable récital. Là aussi les absences de Fabregas, Gallas et autres (désolé pour mes connaissances limitées des effectifs) n’ont pas été compensées. Or il y a peu, les Anglais auraient été capables de remplacer ces joueurs, en tout cas de pouvoir les aligner sans avoir dû jouer le week-end précédent (ou peu). La polémique Gallas illustre bien les difficultés dans ce domaine des Gunners, plombés financièrement par le remboursement de l’Emirates Stadium.

Si ces équipes sont toujours en course pour le titre national, elles ont connu les difficultés pour courir après les différents lièvres. C’est la leçon de 2010. Je pense que les clubs anglais ont vampirisé la Ligue des Champions parce qu’ils avaient l’argent pour faire venir les étrangers et les meilleurs (beaucoup en tout cas). La crise a assaini une logique qui me paraît malsaine. Et après tout, n’oublions pas que le championnat anglais est très hétérogène.

Cette réflexion m’amène à une autre. Personnellement, je trouve qu’on surestime les chances anglaises en Coupe du Monde. On mise énormément sur Capello mais en dépit du talent des joueurs, en particulier au milieu du terrain, il faut reconnaître que le fond de l’équipe reste très inégal.

Retour aux (bonnes) traditions.

A ce titre, les retours de l’Inter de Milan et du Bayern Münich en demi-finale apportent une curieuse fraîcheur. Curieuse parce que ce sont deux monstres du football européen. Le Bavarois avait dominé la compétition à la fin des années 1990, début des années 2000. Depuis, l’équipe enregistrait revers sur revers, en huitième de finale le plus souvent. Malgré un tour qualification laborieux, le Bayern sort du bois au bon moment et a su faire preuve d’opportunité. Le sort de 1999 a été cette fois inversé.

L’Inter retrouve les sommets d’une compétition qu’elle n’avait jamais exploré aussi loin depuis la création de la Ligue des Champions il y a bien une vingtaine d’années (les puristes me corrigeront). Là aussi l’opportunisme a été saisi : affronter et battre une équipe moscovite qui manque de compétition et qui semblait être le plus faible des huit concurrents (tout étant relatif à ce niveau). D’ailleurs le club milanais est le seul à s’être imposé aux deux matches, même si la marge et la manière n’y ont pas été. Mais cette année, aux dépens sans doute de quelques points dans le Calcio, l’Inter a beaucoup misé sur la Ligue des Champions. On ne pouvait pas imaginer que le football italien allait s’éclipser aussi longtemps comme ça.

Certaines traditions ont été oubliées, comme celles de retrouver un club français en demi-finale. L’ASM du DD avait réussi l’exploit, échouant en finale contre Porto. Mais dans les années 1990 (dans la première moitié surtout), c’était devenu une tradition. Cette année, il n’y avait aucun risque puisque le tirage au sort gratifiait l’affrontement entre les 8 derniers champions nationaux. Et c’est celui qui semblait sur le déclin depuis deux ans qui l’a emporté. Mais c’est aussi l’équipe en meilleure forme qui s’est imposée aussi. C’est enfin l’équipe la plus stable et la plus grosse puissance financière. Comme souvent, c’est quand on l’attend le moins qu’une équipe brille le plus. Puel a abandonné son football frileux pour exploiter des joueurs qui ont d’autres talents qu’à jouer une tactique défensive. Bordeaux a bien gagné le deuxième match mais a pêché par ses faiblesses en défense ces derniers temps.

En tout cas, il n’est pas anormal de retrouver un football français relativement sain économiquement.

Dernière tradition, pas des moindres et pas la plus laide, celle de retrouver le F.C. Barcelone dans le carré final. Ne serait-ce que pour voir les exploits de Messi, la défense capable de se trouer, une équipe pratiquant un football de domination, etc. Le Barça défendra son titre et demeure le favori de la compétition, d’autant plus que Manchester a été sorti. Toutefois, il faudra se méfier des retrouvailles avec l’Inter même si la vérité du printemps n’est pas celle de l’automne.

Et je ne suis pas sûr, comme pour Manchester, que les Catalans espagnols auront une marge de sécurité aussi grande que l’an passé.

A suivre…

J’insiste encore et encore : le manque de recul ne nous permet pas d’affirmer avec certitude que ce constat sera durable dans le temps. D’autre part, la réussite sportive peut totalement changer l’analyse. N’oublions jamais que le sport est une activité économique à haut risque, car à haute incertitude que l’argent peut réduire sans la rendre négligeable. Manchester a échoué de peu mais comme je l’ai dit sa marge était moins grande que les années précédentes. Et la composition du plateau final de l’Europa League pourrait aussi nous apporter quelques indications, quelques éléments sur cette analyse.

Les prochaines éditions confirmeront ou infirmeront la tendance. La crise financière a-t-elle modifié les rapports de force ? En tout cas, il ne faut pas oublier une chose : ces quatre équipes ne sont pas des malvenues dans la compétition. Certes l’OL disputera sa première demi-finale de Ligue des Champions mais comme je l’ai dit tout à l’heure, c’est la grosse puissance financière et sportive en France de la décennie. Le Barça, l’Inter et le Bayern sont aussi de ce calibre dans leur pays respectif. Mais ils ont été « étouffés » par des clubs anglais, dont les assises ne sont pas aussi saines, aussi solides : des géants aux pieds d’argile. Pour moi ça me convient car nous aurons de belles demi-finales. Et pour l’OL, le Bayern est un très bon coup à jouer.