Oublier le bouclier fiscal
On le sait, Nicolas Sarkozy y pense très fort à sa réélection de 2012. Il y a quelques semaines, il a fait semblant de s'interroger, par proches interposés (Carla, son père). En parallèle, il consulte. Il lui faut un programme, fort et clivant. Sinon, les Français risquent de lui en imposer un autre, son propre bilan, déplorable, de son (in)action depuis 2007. Sarkozy consulte donc. A l'Elysée, on voit revenir Nicolas Baverez, cet économiste qui écrit beaucoup et intervient souvent. Jean-François Copé a été rallié. Si Sarkozy se plante trop durement en 2012, ses propres chances pour 2017 sont compromises. Gérard Larcher, Gérard Longuet, et inévitablement Alain Minc redoublent de conseils. Les proches du président aimeraient le convaincre qu'il faut qu'il se protège, que sa centralisation du pouvoir est trop dangereuse. Le Monde évoquait récemment que la contestation gagnait le sacro-saint Siècle, ce club des puissants, de gauche comme de droite, qui se réunit une fois par mois.
L'Elysée ne sait pas encore comment sortir du bourbier politique que représente le bouclier fiscal. Même le Figaro s'en mêle : le journal de Sarkofrance s'est procuré de cruciales informations auprès du ministère du budget (une fuite volontaire de François Baroin ? Attention... rumeur !). «Le bouclier fiscal empêche t-il vraiment l'exil fiscal ? En 2008, où le bouclier fiscal a été abaissé à 50% des revenus, 821 redevables à l'ISF ont quitté la France, d'après les chiffres du ministère du Budget que le Figaro s'est procuré.» Ces exilés n'étaient que 719 l'année précédente... Le gouvernement tente d'éviter un grand déballage fiscal. Le bouclier fiscal est une épine dans le pied de la Sarkozie. Le camp présidentiel a tout dit sur le sujet : une mesure de justice ? Elle ne concerne que 0,01% des contribuables français. Faire revenir les exilés fiscaux ? Ni la création du bouclier fiscal (en 2006), ni son renforcement (en 2007) n’ont eu un quelconque effet en la matière. Les Français ne doivent-ils pas travailler plus d’un jour sur deux pour les impôts ? Le bouclier fiscal sert justement à défiscaliser les revenus financiers et du patrimoine, car, rappelons-le, l’imposition du travail est déjà plafonnée. L’UMP omet surtout une précision d’importance : le coût du bouclier fiscal est dynamique, variable en fonction de la pression fiscale. Plus les impôts augmenteront (par exemple pour financer les déficits publics), plus sa charge augmentera.
Le moment de vérité approche. Les déficits se creusent, la réforme des retraites s'annonce périlleuse. la Commission européenne doute de l'installation d'une taxe carbone aux frontières de l'Europe. Reste la distraction ultime, celle qui permet de tenir en haleine les gazettes, et de redorer l'honneur perdu du Monarque : la rumeur du complot.
Une belle rumeur pour redresser sa cote
Depuis des lustres, les deux sondeurs de l'Elysée, Patrick Buisson et Paul Giacometi, ont tous les deux alerté le Monarque sur le facteur personnel, la mauvaise image qu'a Nicolas Sarkozy au sein de l'électorat le plus conservateur. Son image "Bling Bling" a la vie dure. Il faut dire que le Monarque fait peu d'efforts. Sauf (rares) obligations protocolaires, il file chaque week-end dans la villa luxueuse de son épouse au Cap Nègre.
Se présenter en victime est un jeu récurrent chez Nicolas Sarkozy. En 2004, les secousses de l'affaire Clearstream furent toutes trouvées. Depuis, malgré le procès, on ne sait toujours pas pourquoi les proches de Nicolas Sarkozy ont rencontré à plusieurs reprises l'un des protagonistes principaux de cette affaires, Ihamd Lahoud. A l'été 2005, ses tourments privés avec Cécilia Sarkozy lui ont donné l'occasion de se plaindre du harcèlement médiatique. Le même Monarque n'hésitait pas, moins d'un plus tard, à convier un essaim de journalistes à célébrer ses retrouvailles sur une pirogue en Guyane. Cette fois-ci, le prétexte lui a été servi sur un plateau. Une méchante rumeur court les rédactions depuis le début de l'année. Même le site Arrêt sur Images s'en est fait l'écho. Elle n'est arrivée que plus tard sur Twitter, encore une fois par des journalistes. Puis sur un blog anonyme du JDD. L'Elysée s'est tut. Le déclic s'est produit comme par hasard après le second tour des élections régionales. L'Elysée passe en mode "reconquête". Il faut rassurer l'électeur conservateur. Le JDD est sommé de trouver l'auteur du blog. Il font coup double : non seulement l'auteur est démasqué mais en plus, c'est un salarié du groupe ! Le 25 mars, quatre jours après le scrutin et la débâcle sarkozyenne, sa démission, comme celle du patron de la filiale internet du JDD, sont apportés comme des trophées médiatiques. Les proches de l'Elysée ne s'arrêtent pas là. Pierre Charon et Thierry Herzog dénoncent l'existence d'un complot plus vaste. Le JDD porte plainte. Une enquête préliminaire a été ouverte. On lâche le nom de Rachida Dati à la presse. Rumeur contre rumeur, on nage en plein psycho-drame monarchique. Pour sauver le Monarque, il faut lyncher le soldat Dati. Pierre Charon s'y connaît en rumeur. Jacques Chirac déjà l'avait accusé de propager des ragots sur sa propre fille Claude.
Rachida Dati s'est depuis dite bouleversée par les accusations sur sa participation à la campagne de rumeurs conjugales du couple Sarkozy. Son avocat Maître Kiejmann a tout expliqué. Elle adore toujours Nicolas Sarkozy et ne lui veut aucun mal. Tous des comploteurs ? Sans doute, évidemment, bien sûr, puisque les proches du président, ceux que l'on regroupe depuis 2007 sous l'appellation douteuse de la Firme, le proclament sur tous les toits depuis quelques jours. Mercredi 7 avril, l’ex-garde des Sceaux est intervenue au micro de RTL. Elle a joué à l’effarouchée et ne veut pas croire que Nicolas Sarkozy puisse être derrière tout cela : « il faut que cela cesse ». Elle a demandé une audience au chef de l’Etat. « Et le Président de la République ne peut pas cautionner ce que dit monsieur Pierre Charon, ni dans ses argumentaires, ni dans ce qu'il peut dire, ni dans les affirmations encore les plus récentes. Il ne peut pas les cautionner. » Elle accuse l’entourage du Monarque, et Pierre Charon en particulier. Ce dernier avait lancé l’accusation, lors d’un repas entre élus du camp présidentiel il y a 8 jours. L’un des participants s’est confié à l’Express : « Il nous a expliqué que l'Elysée avait les preuves qu'elle était impliquée dans cette rumeur sur le couple présidentiel mais sans être plus précis. Il avait visiblement envie de se lâcher sur cette histoire, car c'est tombé comme un cheveu sur la soupe au cours du repas... » Il aurait même ajouté : « voilà ce qui arrive quand on s'attaque à la Firme! » On imagine son regard gourmand, satisfait du mauvais coup qu’il vient de commettre à l’encontre d’une ancienne favorite du président français qu’il n’a jamais supportée. La Firme désigne un quarteron de grognards de la Sarkozie : Pierre Charon, Brice Hortefeux, Frédéric Lefebvre, Franck Louvrier, et Laurent Solly, exilé à TF1 au lendemain de l’élection présidentielle. On nage dans un mauvais polar. Pire, le Canard Enchaîné du 7 avril charge encore un peu la barque de cette mauvaise affaire, citant Claude Guéant : « Le président de la République ne veut plus voir Rachida Dati ».
Mercredi soir, l'épouse du président français est venue s'exprimer, pour faire taire ces nouvelles rumeurs sur les rumeurs. Son mari de président a bien eu la peau (professionnelle) de deux salariés du JDD, les services de renseignement ont enquêté, mais il n'y avait «ni complot, ni enquête», dixit Carla Bruni. On est rassuré.
La Sarkofrance est acculée.
Qui en doutait ?