On nous avait dit qu’il ne croyait pas pouvoir combler l’heure quarante-cinq prévue et, pourtant, c’est presque 2 heures plus tard que Guy Delisle concluait son entrevue en avouant candidement qu’il était plutôt peu bavard. Après une première expérience qui m’avait fort plu avec Michel Rabagliati à l’automne, ce soir c’est avec Guy Delisle que j’avais mon deuxième “Rendez-vous de la BD” à la bibliothèque Gabrielle-Roy.
Encore une fois animée avec brio par Michel Giguère, cette soirée d’échange avec un bédéiste invité permet au public (très nombreux mercredi soir) d’assister à un entretien passionnant, loin du format questions/réponses traditionnel qui pourrait devenir lassant. À partir de projections de certaines planches tirées des oeuvres de Delisle, on a pu suivre son parcours professionnel au rythme de ses publications.
Malgré que ça ne transparaisse pas du tout dans son style, ce sont les Schtroumpfs et Lucky Luke qui ont servi d’initiation à la BD pour ce natif de Charlesbourg. Il habite outremer depuis plus d’une vingtaine d’années maintenant et ce sont les récits de ses séjours dans des contrées plus hostiles qui me l’ont fait connaître.
Sa première BD, Shenzhen, qui raconte son passage plutôt ennuyeux en Chine dans le cadre d’un contrat, lui a été inspirée par un ami qui rédigeait un carnet personnel. Guy Delisle s’est basé sur ce principe pour raconter à partir de son journal tenu là-bas, ce qu’il a vécu en Chine au quotidien. Un peu comme une série de cartes postales envoyées à ses proches et qui auraient décrit son expérience. Il s’est attardé, non sans humour, aux différences culturelles comme les relations avec les autres ou les problèmes de langues, sans insister sur la répression politique.
Lorsqu’il aborde le récit de Pyongyang, on le sent beaucoup plus politisé et cynique dans ses propos. C’est tellement rare qu’on puisse entendre quelqu’un raconter sa propre son expérience au royaume de Kim Jong-Il, un univers à des années lumières du nôtre. C’est touchant, même s’il réussit à nous faire rire, quand il décrit la relation avec ses guides et autres interprètes “imposés” qui le suivaient partout. Il parle avec respect de cette population qui vit sous les mêmes principes qu’une secte, avec comme leader un quasi gourou qu’on doit vénérer comme un dieu.
Pour Chroniques Birmanes même si l’aspect politique est autant, sinon plus présent que dans Pyongyang, c’est beaucoup sa vie de père que Guy Delisle décrit. Comme c’est pour le travail de sa conjointe qu’il a séjourné là-bas, il jouait surtout le rôle du père qui s’occupe de bébé pendant que maman (employée par Médecins Sans Frontières) était au boulot. Il explique d’ailleurs qu’il a dû couper plusieurs pages de la BD car, après coup, il a réalisé que ses aventures papa/fiston prenaient un peu trop de place dans son récit.
Le temps a passé trop vite et nous n’avons pas eu le choix que d’aborder juste brièvement quelques autres aspects de son travail que je connaissais moins, comme sa série policière Moroni ou celle “sans paroles” sur son fils Louis. J’ai loupé ma dédicace pour cause d’heure de fermeture de la bibliothèque, mais je tenterai de me reprendre pendant le Salon du livre/de la BD en fin de semaine. En attendant découvrez-le via son site si vous n’êtes pas convertis encore et, scoop pour les fans, il a 60 pages de complétées (sur environ 300) pour sa prochaine BD à venir sur Jérusalem. On se doit d’être patients!