Pes de séance ce mercredi

Si le temps ne m'avait pas manqué, la séance de ce mercredi aurait été marquée par UN film. A la fois le film de la semaine, la reprise de la semaine, le focus et, certes, l'image de la semaine :

Les chaussons rouges est visible à Paris dans trois salles (Le Champo, Le Nouveau Latina et l'Elysée Lincoln) ce qui exceptionnel pour une reprise. On peut le voir aussi dans plusieurs salles de province. Il est vrai qu'une reprise de cette qualité (cinématographique, historique, esthétique, fantasmatique) est exceptionnelle

Ce film est considéré comme le chef d'œuvre de Michael Powell, cinéaste anglais que la passion cinéphilique, opiniâtre, inlassable de Bertrand Tavernier a réussi à extirper de la poubelle de l'histoire dans laquelle la Nouvelle vague française avait réussi à le faire oublier. On le situera entre deux citations célèbres, dont l'une au moins traduit toute la mauvaise foi hargneuse que la cinéphilie exige du passionné.

Celle de Truffaut : "On peut se demander s'il n'y a pas incompatibilité entre le mot cinéma et le mot Angleterre" in Hitchcock par Truffaut, une des plus belles choses qu'on puisse dire sur le cinéma).
Celle de Scorsese, à propos des Chaussons rouges : "C'est le plus beau film en technicolor, une vision jamais égalée".
Récemment, dans Tetro, Francis Ford Coppola payait le tribut qu'il doit à Michael Powell et en

magnifiait le souvenir en technicolor par des évocations-citations (des Chaussons rouges, mais aussi des Contes d'Hoffmann) d'une beauté onirique brûlante-glaçante.
J'ai hâte de revoir (après bien des années) ce chef d'œuvre du cinéma anglais d'après guerre, plus beau que jamais après plusieurs années de restauration (merci Martin Scorsese), vision nouvelle qui promet d'être aussi passionnante et émouvante que celle, il y a deux ans, de Lola Montès, chef d'œuvre également, mais ultime celui-là, de Max Ophüls.
Ophüls, dont Les désemparés, "un polar follement stylé" selon Jean-Marc Lalanne qui sait aiguiser les formules (et dernier film américain du réalisateur), en salle la semaine dernière en copie neuve, est disponible désormais en DVD, avec notamment une interview de Todd Haynes. Classe et précieux.

La qualité du cinéma ne tient pas dans la nouveauté. On aurait tort de négliger, cependant, Ajami, de Scandar Copti et Yaron Shani, Les arrivants, de Claudine Bories et Patrice Chagnard et mon autre coup de cœur de la semaine, Ensemble, nous allons vivre une très, très grande histoire d'amour, de Pascal Thomas, dont le titre est déjà une belle promesse.
Finalement, ma chronique hebdomadaire est presque écrite. Avec une "musique de la semaine" elle aurait été complète, mais ce sera sans et, si vous voulez de la musique, il y en a plein dans les Chaussons rouges.