Près de 100 personnes, selon l'opposition, ont été tuées et près de 200 blessées mercredi au Kirghizstan lors de violents affrontements entre opposants et policiers à Bichkek, la capitale de ce pays d'Asie centrale, où les autorités ont décrété l'état d'urgence.
La plupart des victimes ont été tuées par balles, a précisé à l'AFP une responsable du ministère de la Santé, Larissa Katchibekova, ajoutant que les heurts à travers le pays avaient fait 197 blessés, dont 142 à Bichkek.
Dans la soirée, des centaines d'opposants sont entrés dans le siège du Parlement, situé à quelques dizaines de mètres de la présidence, elle-même assiégée par les manifestants réclamant la démission du président Kourmanbek Bakiev, tandis que le rez-de-chaussée du siège du parquet général de la capitale était en feu, a constaté un journaliste de l'AFP.
Après de violents affrontements plus tôt dans la journée entre la police et une foule de manifestants, le Premier ministre, Daniar Oussenov, a indiqué que l'état d'urgence avait été décrété et un "couvre-feu" imposé.
Les forces de l'ordre ont répliqué en tirant sur la foule et avec des gaz lacrymogènes et grenades assourdissantes. Des tireurs d'élite étaient postés sur le toit de la présidence.
Les premiers incidents avaient éclaté lorsque la police a tenté de disperser les manifestants rassemblés près du siège de l'opposition. Les forces de l'ordre avaient dû battre en retraite.
Des responsables du service de presse du gouvernement, interrogés par l'AFP, étaient incapables de dire où se trouvait le chef de l'Etat, lui-même arrivé au pouvoir par une révolution en mars 2005 mais critiqué pour une dérive autoritaire et népotisme.
Et l'incertitude régnait sur le sort du ministre de l'Intérieur, Moldomoussa Kongantiev. Une source au ministère, des médias indépendants et des ONG assuraient qu'il avait été tué à Talas (nord-ouest) lors de heurts, mais un porte-parole du ministère a démenti.
Le procureur général, Nourlan Toursounkoulov, a annoncé l'interpellation et l'inculpation pour "crimes graves" de trois chefs de l'opposition, dont l'ex-président du Parlement, Omourbek Tekebaïev, et l'ex-candidat à la présidentielle de l'opposition et ancien Premier ministre, Almazbek Atambaïev. M. Tekebaïev a par la suite été libéré, selon l'agence kirghize Kabar.
Un dirigeant de l'opposition, Temir Sariev, a de son côté déclaré mercredi à la radio indépendante Azattyk avoir participé à des pourparlers avec le Premier ministre, assurant qu'un "accord est intervenu entre les parties : que les autorités cessent de tirer sur les citoyens, et que soient libérés les chefs de l'opposition arrêtés".
La télévision nationale, dont le siège a été pris d'assaut par des centaines de manifestants d'opposition, a recommencé à émettre après une brève interruption des programmes.
A Naryn (centre), des témoins contactés par l'AFP ont indiqué que des centaines de manifestants avaient pris le contrôle du siège de l'administration régionale.
La Russie et les Etats-Unis, qui disposent chacun d'une base militaire dans l'ex-république soviétique, ont appelé au calme.
"Nous appelons toutes les parties à respecter la loi et appelons les manifestants et le gouvernement à engager des discussions pour résoudre leurs différends de façon pacifique", a indiqué l'ambassade américaine.
"Nous appelons avec insistance les parties en conflit à s'abstenir des violences pour éviter l'effusion de sang", a déclaré le porte-parole de la diplomatie russe, Andreï Nesterenko.
Les Etats-Unis disposent à l'aéroport Manas de Bichkek d'une base aérienne clé pour leurs opérations en Afghanistan, par laquelle transitent notamment la plupart des soldats déployés sur le terrain.
De son côté, la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, s'est déclarée très inquiète de la situation et a appelé le gouvernement et l'opposition kirghizes à la "retenue" et au dialogue.
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a lancé un nouvel appel "pressant au dialogue et au calme afin d'éviter de nouvelles effusions" de sang.