La confiance dans les médias : état des lieux et perspectives

Publié le 07 avril 2010 par Délis

Quelques jours après la tenue d’un 1er colloque organisé en partenariat avec l’association des Anciens du Celsa et la DICOD  consacré au « risque d’opinion» , Délits d’Opinion poursuit l’analyse du rapport existant entre le grand public et les médias.

Alors que la campagne électorale pour les élections régionales vient de se clore, que la blogosphère a déjà changé son orbite et les médias traditionnels rééquilibré le contenu de leurs éditions, Délits d’Opinion a décidé de faire le point sur la confiance du grand public dans les médias. L’émergence d’Internet mais plus vraisemblablement la révolution apportée par le Web participatif (2.0) ont profondément modifié notre rapport à l’information et donc à ses modes de diffusion. Pourtant, si nous sommes chaque jour soumis à un nombre de plus en plus important  d’informations et que la part des médias traditionnels décroit à mesure qu’Internet se propage sur tous les supports existants, les différents médias ne possèdent pas tous le même « crédit » aux yeux des Français.

Quels sont les médias qui informent le plus et le mieux le grand public ? Quel degré de fiabilité le grand public accorde-t-il aux nouveaux médias ? Enfin, dans quelle mesure, la transformation de nos modes de consommation de l’information impacte-t-elle notre perception de celle-ci ?

L’actualité passionne les Français…

Selon le baromètre publié par l’institut TNS Sofres pour le quotidien La Croix, plus de 7 Français sur 10 affirment être intéressés par l’actualité. Dans le détail, ce sont les plus diplômés (78%) et les sympathisants de droite qui attestent du plus grand intérêt alors qu’à l’inverse, les personnes âgées de 15 à 24 ans ne sont que 35% à reconnaitre s’intéresser à l’actualité sous toutes ses formes (TV, Radio, Presse, Internet). Ces premiers chiffres sont particulièrement stables car si l’on observe l’historique depuis 1987, l’écart maximum n’a jamais excédé 15 points entre le point bas (62% en octobre 1987) et le point haut (77% en décembre 1994). Les faibles oscillations depuis plus de 20 ans témoignent du fait que l’arrivée de nouveaux médias ne semble pas modifier radicalement l’intérêt général (et particulier) pour l’actualité et permettent donc d’affirmer qu’il existe une frange de la population qui demeure hermétique à l’actualité et qui ne semble pas prête à modifier ses comportements.

…Mais ils demeurent encore sceptiques quant à la véracité de certains témoignages

L’étude mentionnée précédemment indique que les Français sont relativement nombreux à remettre en cause la véracité des informations diffusées par les médias. En effet, la radio est perçue comme étant le média le plus crédible avec 60% des Français estimant que les choses se sont vraiment passées comme le média radiophonique les rapporte. Ce score relativement bas est néanmoins supérieur à celui de la presse (55%), de la télévision (48%) ou d’Internet (35%). Certains observateurs pourront voir dans ces chiffres la preuve que le peuple français conserve un certain recul face aux médias en général et aux plus récents en particulier. Cependant, on rappellera ici qu’il n’est pas nécessaire d’être convaincu par la véracité d’une information pour la transmettre ; c’est ce que l’on nomme la rumeur.

Si l’on regarde la perception qu’ont d’autres populations des médias, on peut noter des cas beaucoup plus « problématiques » diront certains. En effet, selon une étude très documentée de l’institut Pew Research Center datant de 2009, 63% des Américains affirment que les informations diffusées par les médias sont souvent inexactes. Pour expliquer cette défiance quant à l’objectivité des médias, en France et aux Etats-Unis on peut citer deux éléments. Tout d’abord selon le PRC, 60% des médias sont politisés, ce qui peut expliquer les doutes exprimés par les personnes interrogées par l’institut de sondage américain.

En France, l’enquête publiée par TNS Sofres pour la Croix souligne les deux types de pressions auxquelles les médias sont soumis. C’est tout d’abord l’indépendance politique qui est questionnée : 2 Français sur 3 (66%) estiment que les journalistes ne sont pas indépendants face aux partis et au pouvoir politique (+9 pts depuis l’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy). De plus, l’étude montre que 6 Français sur 10 affirment que les journalistes ne sont pas indépendants face aux « pressions de l’argent». Ce constat démontre ainsi que si le temps de l’ORTF est maintenant révolu, la collusion qui peut exister entre certains groupes de médias et le pouvoir politique sous toutes ses formes est perçue comme très dommageable par les Français.

L’information aujourd’hui et demain

Si l’on se penche sur les vecteurs d’information utilisés en priorité par les Français, on note que la télévision demeure encore et toujours la référence. Bien que les audiences des journaux télévisés s’effritent sensiblement depuis plusieurs années (Médiamétrie), le « 20h»  conserve son statut de tribune privilégiée pour qui veut faire passer ses messages et s’adresser au plus grand nombre. En 2010, 80% des Français déclarent que la télévision est l’un des deux moyens d’information privilégiés. Dans le détail, il est intéressant de noter des résultats très homogènes, à l’exception des CSP + (61%), qui affectionnent également la presse, et des non-internautes (87%).

Aux Etats-Unis, la télévision a également conservé son statut de média numéro 1, et ce avec un score relativement stable (70% contre 74% en 2001). L’étude du PRC conduite en 2008 fait donc apparaître une suprématie moins importante de la télévision et surtout une part croissante prise par Internet (40% en 2008, soit 27 pts de plus qu’en 2001), au détriment de la presse (15 points perdus en 5 ans). Ces données démontrent une tendance forte qui tend à diminuer le recours à la presse traditionnelle pour lui préférer les médias d’information en ligne : un constat fait depuis plusieurs années par les groupes de presse à l’occasion des Etats Généraux de la presse et plus récemment avec la création d’une mission d’évaluation des aides à la presse confiée à Aldo Cardoso en juin 2009 par C. Albanel. L’étude TNS Sofres indique d’ailleurs que la transformation des modes de consommation des médias est bien prise en compte par le grand public. En effet, seuls 7% des Français pensent qu’à l’avenir on utilisera davantage la presse payante, alors qu’ils sont 32% à exprimer le même avis pour la presse gratuite. Pour ce qui concerne les sites d’information, les Français envisagent une utilisation grandissante; qu’ils soient payants (39%) mais surtout gratuits (77%).

Vers l’impasse ?

Ces deux études citées précédemment démontrent que l’émergence d’Internet a profondément modifié la manière dont nous nous informons. La situation au Etats-Unis indique que le mouvement qui s’est engagé dans l’hexagone va d’ailleurs s’accélérer dans les années à venir. Dans le même temps, les réticences exprimées quant au professionnalisme et à l’indépendance des médias et des journalistes sont bien réelles et font état d’un rapport de défiance permanent à l’égard des journalistes et des médias en général. Les Français réaffirment dans ces études leur envie de s’informer plus facilement et gratuitement (en privilégiant Internet) alors que dans le même temps, ils avouent accorder relativement peu de crédibilité aux informations disponibles sur la toile. Ces confessions pleines de paradoxes confirment que l’avenir s’annonce donc plein d’incertitudes sur ces questions de gratuité de l’information et de professionnalisme. En effet, si des journalistes professionnels sont parfois jugés « sous pression» et pouvant manquer de crédibilité, que peut-on dire d’un avatar ou d’un compte twitter pouvant facilement être usurpé ?