L’organisation interne des établissements bancaires est constamment remise en question : par le contexte concurrentiel et la recherche de performance commerciale, par les fusions acquisitions et concentrations du secteur, pour répondre aux objectifs de rentabilité, par les contraintes réglementaires…
Les Banques sont donc confrontées à différents challenges organisationnels :
- Dans le contexte concurrentiel actuel (agressivité de la concurrence sur les taux des crédits, concurrence tarifaire de la banque en ligne…), la recherche d’optimisation de la marge ne tolère aucune faiblesse quant à la qualité du service offert aux clients et la maîtrise des délais des opérations avec ces clients. Ceci impose de faire évoluer les organisations en place pour accroître l’efficacité à ressources constantes.
- Sur le plan stratégique, les rapprochements entre acteurs du secteur imposent lorsqu’ils se produisent de revoir totalement l’organisation de fonctions internes devenues redondantes ou concurrentes. Par ailleurs, la conduite des politiques d’extension (achats de filiales, à l’étranger notamment) nécessite d’intégrer des établissements de diverses natures (activités spécialisées mais variées, spécificités régionales…) rapidement et efficacement. L’objectif est alors d’intégrer ces établissements filialisés dans les processus standardisés du Groupe (afin d’en maîtriser la complexité de gestion) tout en leur faisant bénéficier, en contrepartie, des services et atouts qui favoriseront leur développement (décharge de certaines activités de gestion centralisées, partage des bénéfices liés à la capacité d’achat du Groupe, fourniture de ressources Groupe comme l’infrastructure SI…).
- Pour répondre aux contraintes réglementaires (Bâle II, MIF[1]…), des projets impliquant de nombreuses entités mettent en place de nouveaux processus à destination du pilotage et des instances réglementaires.
Ces évolutions guidées par la stratégie ou imposées par l’environnement réglementaire et concurrentiel se combinent pour créer une situation de changement permanent des organisations internes. Cette situation se traduit par l’augmentation de la fréquence des réorganisations, l’évolution constante de l’offre de services des entités, les évolutions de périmètres de responsabilité… Les systèmes d’information doivent alors accompagner ce changement permanent, ce qui génère des dépenses significatives. De plus, certaines évolutions prioritaires (réglementaires en particulier) limitent les possibilités d’évolutions périphériques en parallèle. En effet, elles doivent faire face à des calendriers qui ne permettent pas toujours le maintien d’une trajectoire d’évolution du système d’information progressive et cohérente.
Organisation interne : comment répondre au besoin de changement permanent ?
Face à cette situation d’évolution permanente, les institutions sont à la recherche d’une plus grande adaptabilité de leurs organisations et systèmes d’information aux différentes natures de changements. Depuis le milieu des années 90, le BPM[2] et l’Urbanisme des Systèmes d’Information sont les deux approches globales privilégiées pour suivre et organiser la prise en compte des changements dans l’entreprise. De manière émergente, il est parfois fait appel à des méthodes plus sophistiquées tels que le Lean 6 Sigma[3] pour objectiver cette analyse.
L’Urbanisme, aujourd’hui largement répandu dans les établissements bancaires, permet de maîtriser les évolutions du SI en les inscrivant dans une cible. Cependant, même s’il établit des principes visant à garantir adaptabilité et flexibilité des SI, il ne fournit qu’une réponse limitée quant à l’organisation à adopter pour répondre au changement permanent. De même, l’emploi du BPM est souvent réduit à la mise en place ou la ré-organisation d’activités. Il n’est que peu employé dans le cadre d’une démarche d’amélioration continue ou d’une gestion permanente de l’évolution. Quant à l’usage du Lean 6 Sigma, il n’est encore que peu développé à ce jour dans les services financiers (même si des initiatives émergent).
Ces approches ainsi que les méthodologies et outils associés ne permettent d’adresser l’évolution permanente que s’ils sont réellement intégrés au pilotage de l’entreprise[4]. La mise en place d’une gestion de l’évolution permanente de l’organisation et des démarches d’amélioration continue est une tâche à long terme. Par ailleurs, cela n’adresse pas les problématiques opérationnelles rencontrées au jour le jour par les projets.
Une autre réponse : les pôles d’efficacité opérationnelle
Une réponse aux problématiques liées au changement permanent peut également être recherchée dans la structure même de l’organisation. Celle-ci devra offrir la flexibilité et l’adaptabilité facilitant son évolution. Il s’agit alors d’introduire dans l’organisation des ‘sous-ensembles’ ou ‘pôles’ stables et offrant leurs services à toute l’entreprise. Ceux-ci serviront ainsi de ‘points pivots’ à l’organisation qui pourra alors évoluer autour des services clés de ces pôles dont l’efficacité sera garantie. Un tel exercice de ‘design organisationnel’ a pour objectif de doter l’entreprise de structures internes spécialisées : les pôles d’efficacité opérationnelle.
Les pôles d’efficacité opérationnelle vont permettre de :
- réduire la complexité de l’évolution des processus : les pôles d’efficacité opérationnelle proposent un ensemble de services déjà opérationnels qui sont offerts à toute entité faisant évoluer ses processus. Ils mettent par ailleurs à disposition des services et personnels dédiés à l’accompagnement des projets d’évolution des autres entités.
- augmenter et garantir la qualité du service : le service étant délivré par une seule entité, il devra nécessairement devenir générique, à un niveau de service commun, pour que des gains d’échelle soient dégagés. L’offre de services sera alors standardisée à un niveau de qualité et de disponibilité correspondant au plus grand commun dénominateur des besoins des utilisateurs et garantie par des conventions de services.
- réduire le coût global de délivrance des services concernés : le coût de production du service pourra être diminué par centralisation de certains moyens. Cependant, l’évolution devra surtout être perceptible au niveau du coût final d’utilisation pour chaque entité.
- augmenter le périmètre d’usage en permettant à de nouvelles entités d’accéder à l’offre de services : entités dont la taille ne permettait pas de développer ces services en interne, entités qui possédaient un service équivalent mais avec des moyens moindres ou peu adaptés…
- maintenir la cohérence et la qualité de l’information : la centralisation de la gestion de l’information sur un domaine particulier va permettre de superviser l’ensemble du processus de gestion de cette information. Elle permet par ailleurs de percevoir la diversité des usages et de les coordonner en conséquence.
- gérer l’évolution en continue de manière cohérente sur les différents périmètres de responsabilité des pôles : étant au cœur des projets d’évolution et en contact avec tous les clients du périmètre, ils ont connaissance de la multiplicité des besoins et l’intègrent dans les trajectoires d’évolution de leurs activités.
Conclusion : tendances et initiatives
Des évolutions de l’organisation ont eu lieu récemment ou sont en cours dans plusieurs établissements bancaires :
- Groupe Caisse d’Epargne : convergence vers une plate-forme informatique unique à horizon 2010, regroupant systèmes et équipes des trois communautés informatiques actuelles[5]
- Société Générale : création d’une fonction de directeur des ressources du Groupe qui a pour mission d’accroître l’efficacité opérationnelle du Groupe.
- BNP Paribas : mise en place d’un département Efficacité Opérationnelle Groupe (EOG) avec des missions transverses (notamment la centralisation des achats, puis plus tard rapproché de l’immobilier d’exploitation et du système d’information Groupe).
Par ailleurs, dans différents domaines, divers rapprochements de Maîtrises d’Ouvrage et Maîtrises d’Œuvre dans une même organisation ont été réalisés depuis plus longtemps.
Le développement de l’efficacité opérationnelle est une préoccupation majeure des grands Groupes bancaires. Celle-ci se traduit pour l’instant par le regroupement de services existants dans des entités organisationnelles uniques au niveau du Groupe. L’objectif est de diminuer les coûts tout en améliorant la cohérence, la qualité des services et in fine d’accroître l’efficacité opérationnelle de l’ensemble de l’organisation.
Cependant, les véritables pôles d’efficacité opérationnelle spécialisés (réalisant la concentration des trois actifs expertise, information et moyens sur un domaine d’activité donné) ne sont encore mis en œuvre que de manière très ponctuelle.
Pour développer de tels pôles d’efficacité opérationnelle, il est au préalable nécessaire d’identifier avec pertinence les activités à concentrer dans ces pôles, afin qu’ils puissent ensuite se développer en termes de gains d’expertise, de connaissance, de productivité. Ce qui leur permettra d’avoir un réel impact sur l’efficacité opérationnelle de la Banque à moyen terme.