Nous sommes identifiés à ce corps qui nous semble solide, compact, fixe. Il nous semble que nous sommes enfermés en lui, que nous sommes incarnés.
Voici un texte de Douglas Harding qui nous montre tout autre chose (merci à Philippe Fabri de me l'avoir passé).
Ce texte est extrait de Vivre sans stress, qui est épuisé depuis longtemps. Mais bonne nouvelle, Jean-Louis Accarias le republie en juillet !
On dit «je suis incarné», comme on dirait «je suis fatigué» ou «je suis amoureux ». « Je suis dans cette chair, J'habite cette maison d'argile, je suis une personne. Et pour la loi comme pour le sens commun, ma personne est mon corps et ce qu'on lui fait c'est à moi qu'on le fait, et ce qu'il fait c'est moi qui le fais. Je suis incarné, personnifié, contenu dans cette enveloppe mortelle... » Et ainsi de suite. Les descriptions varient, la signification est la même. Comme elle est profondément enracinée, cette superstition qui veut qu'à la naissance nous soyons mystérieusement condamnés à l'emprisonnement à vie (sans appel, par une sorte de tribunal secret), et que nous soyons rarement ou jamais relâchés sur parole et que seule la mort puisse nous libérer! Encore que ce ne soit guère pour longtemps, puisque nous serons appréhendés à nouveau (comme les partisans de la théorie de la réincarnation veulent nous le faire croire) pour être à nouveau condamnés à la vie et transférés dans un autre établissement pénitentiaire. La société, dit Rumi, est un stratagème pour enfermer le roi dans un bocal en le persuadant, en outre, que le couvercle est bien fermé. Il croira tout ce qu'on lui dira, pourvu qu'on le lui répète assez souvent et assez fort. Et il le croira d'autant plus aveuglément que ce sont de mauvaises nouvelles. Le but de l'expérience suivante est de faire préciser au, roi ce qu'il entend exactement par être là-dedans.
Expérience N° 9: une expérience‑dans‑le‑corps ?
Votre main ou votre bras ne sont que l'une des dépendances ou des ailes de votre «maison d'argile» et nous les étudions en tant qu'échantillon de l'ensemble. Nous explorerons tout à l'heure d'autres parties de votre demeure.)
Regardez la main qui tient ce livre et revenez-y sans cesse. Fiez-vous uniquement à l'évidence du moment, à ce qui se présente en cet instant, et allez lentement.
Si vous êtes dans ce corps, c'est que vous êtes dans cette main, et donc en mesure de dire comment les choses se présentent là-dedans en ce moment. Et vous pouvez répondre aux questions suivantes:
Est ce sombre là-dedans... ? Ou simplement obscur, ou noir comme dans un four...?
Est ce étriqué... ? Aussi exigu que cela le paraît vu de l'extérieur... ? (Souvent l'extérieur des bâtiments ne rend pas justice à l'intérieur: il nous faut le point de vue de l'habitant.)
Est ce collant là-dedans, sale, humide... ?
Est ce encombré, bondé à ne pas pouvoir se bouger... ? S'il en est ainsi, comment y entrez-vous...?
Ce qui caractérise ces questions, c'est qu'elles sont ridicules et qu'on ne peut pas y répondre. SI vous renoncez à vos croyances aveugles et refusez de faire appel à votre mémoire et à votre imagination, vous voyez qu'en cet instant présent vous n'avez pas plus d'informations sur ce qui se passe à l'intérieur de ce poignet que sur ce qui se passe à l'intérieur de cette montre-bracelet. Et qu'il en est de même pour le reste de votre corps.
Il est parfaitement évident (n'est-ce pas ?) que vous n'êtes pas plus à l'intérieur de cette main que vous n'en épousez la forme ou n'en êtes prisonnier. Et c'est encore plus évident lorsque vous portez votre attention sur les parties de votre corps que vous ne pouvez pas voir:
‑ Où, à l'évidence, s'arrête votre postérieur et où commence le siège de votre chaise... ?
‑ Où s'arrête votre dos et où commence le dossier de votre chaise... ? Quel dos... ?
‑ Combien de doigts de pied pouvez-vous compter... ? Quels doigts de pied... ? Supposez que je sois un magicien qui prétend avoir transformé vos pieds en sabots avec seulement deux énormes orteils chacun, comment savez-vous que je n'ai pas réussi... ?
‑ Essayons autre chose maintenant. Vous fiant à l'évidence présente, combien mesurez-vous...? Trois mètres... trois cents mètres... trois mille mètres...?
‑ Quelle est la forme de votre tête, telle que vous la percevez dans l'instant présent... ? Quelle tête... ? Quel moyen avez-vous de dire si je ne vous ai pas transformé en un monstre grotesque à dix-sept têtes... ?
Je pense que vous conviendrez avec moi que, quelles que puissent être en ce moment vos sensations et tensions soi-disant physiques, elles sont bien loin de vous enfermer dans un « corps prison ». Et que, même en s'additionnant, elles sont bien loin d'évoquer pour vous, en cet instant présent, une forme humaine ou aucune autre forme ... Et en aucun cas une forme que vous puissiez habiter ...
Par exemple, portez maintenant votre attention sur une zone de tension située soi-disant dans votre cou ou vos épaules. Prenez le temps de l'explorer... Quelle est sa forme, dans l'évidence présente... ? Est ce qu'elle épouse les contours de la région dans laquelle elle est censée être située ... ? Ou bien est ce simplement une sensation en liberté ... ?
Finalement, rentrez les épaules et contractez le cou et le visage autant que vous le pouvez... et vérifiez que, même ainsi, vous êtes toujours sans forme et sans limite dans ces régions... puis, détendez vous...
Toute la question se résume en ces termes: quelle dimension est la vôtre Une certaine tradition attribue à Jésus ces paroles: « L'homme qui se regarde uniquement de l'extérieur, et non pas de l'intérieur, se rétrécit». Si vous êtes excentrique, décentré, et que vous vous regardez de loin, par exemple à un mètre de distance, il est certain que vous vous réduisez à presque rien. En vous délimitant vous-même, vous vous transformez en une chose, vous vous stressez, et finalement vous commettez un suicide.
Regardez et voyez. Après l'explosion radicale qui a suivi votre implosion radicale, n'êtes-vous pas mort de rire à l'idée que vous puissiez vous trouver à l'intérieur de l'un de vos produits de fission, ou de n'importe quel objet quel qu'il soit? Tous les objets sont visiblement en vous. Sans avoir eu recours à des agonies de souffrance, sans attendre de vous effondrer aux portes de la mort, sans vous être lancé dans un voyage psychique ou psychédélique, sans être parti en quête spirituelle au cœur de l'Inde, du Tibet ou du Mexique, vous vivez maintenant une expérience de sortie du corps parfaite. De plus cela vous apparaît certainement comme votre état naturel. Vous avez retrouvé la santé d'esprit de votre petite enfance.
Pour vous amuser à vos propres dépens (d'adulte), posez-vous ces quelques questions:
Ce prisonnier a-t-il la même taille que sa prison, ou bien est il ballotté à l'intérieur comme un petit pois dans une grande cosse ou un dé dans son gobelet? Est il si volumineux (ou sa prison si étroite), qu'il la remplit à ras bord? Mais alors, quel exemple révoltant de surencombrement et de violation des droits de l'homme! Quel est donc ce rêve? Dans cette prison au toit de chaume dont le bâtiment central est pourvu de quatre ailes et deux fenêtres, on aurait fourré un prisonnier qui a exactement les mêmes dimensions? Un prisonnier en forme de prison? Qui subirait ainsi le plus épouvantable des stress ?
Vous m'accorderez qu'on ne peut répondre à une telle absurdité que par des hurlements de rire, et qu'on ne peut qu'être abasourdi à l'idée que ce cauchemar éveillé ait pu durer si longtemps."
Extrait de « Vivre Sans
Stress » de Douglas E. HARDING p 64-67
Edition L’Originel
1994