Le Salon du Livre (de Paris) 2010 vient de fermer ses portes à la fois réelles et virtuelles, à la date du 31 mars. Comme d'habitude, on a beaucoup parlé des auteurs et des éditeurs, et on a souvent oublié les bibliothécaires, sans lesquels on ne serait pas grand-chose. Le court hommage qui suit tente d'inverser la tendance, en espérant que le Salon du Livre de 2011 leur sera partiellement consacré, une bonne manière peut-être de lui apporter un souffle nouveau.
Les bibliothèques sont désormais largement couvertes par les médias depuis qu'elles deviennent numériques, mais qu'en est-il de ceux et celles qui les font fonctionner ?
Bien que très sinon trop discret, le bibliothécaire a en effet un rôle charnière dans le monde du livre, preuve que les vrais héros des temps modernes sont rarement ceux que l’on croit.
Depuis la Révolution française (de 1789), date à laquelle les bibliothèques de la noblesse et du clergé furent confisquées pour alimenter les premières bibliothèques municipales, le bibliothécaire s’échine comme il peut, avec beaucoup de conviction et peu de moyens, dans toutes sortes de bibliothèques et centres de documentation.
Après avoir été, pendant de nombreuses décennies, une activité confiée aux historiens locaux et aux dames tricoteuses, la profession obtient enfin des statuts.
Évolution, façon Darwin
Signe qu’elle colle à son époque, l’image de la bibliothèque évolue elle aussi. Souvent rebaptisée médiathèque, la bibliothèque contemporaine comprend non seulement une salle de référence et un service de prêt, mais aussi une discothèque, une vidéothèque, une artothèque, une salle d’exposition, une salle de conférences (pouvant être utilisée aussi pour des rencontres, débats, signatures et concerts, si ce n'est pour des séances de yoga), une salle pour l’heure du conte, un espace multimédia et un cyberespace.
Le documentaliste est le cousin germain du bibliothécaire. Le bibliothécaire officie dans une bibliothèque alors que le documentaliste officie dans un centre de documentation. Quant au bibliothécaire, il se décline désormais en plusieurs variantes : le médiathécaire, qui officie dans une médiathèque, le discothécaire, qui officie dans une discothèque, le vidéothécaire, qui officie dans une vidéothèque, et enfin le petit dernier (et promis à une belle carrière), le cyberthécaire, qui officie dans le cyberespace.
Rappelons que le cyberthécaire, catégorie professionnelle en plein essor, a pour tâche de piloter les usagers sur le web, filtrer et organiser l’information à leur intention, créer et gérer un site web, faire des recherches dans des bases de données spécialisées, en y ajoutant quelques autres attributions prospectives qui restent assez floues puisqu’elles sont du domaine de l’avenir. Le cyberthécaire gère aussi simultanément des blogs et des wikis tout en alimentant de manière continue ses multiples comptes sur des sites sociaux.
Un être humain, finalement
À titre personnel, à son domicile, le bibliothécaire évite en général d’inventorier ses livres, de les code-barrer, de les ranger, de les étiqueter, de les cataloguer, de les indexer, de les résumer et de les numériser, sauf s'il est quelque peu maniaque, ce qui est son droit. Chose qui n’est guère possible au travail, il laisse souvent traîner ses livres n’importe où. Certains tiennent toutefois à ce que leur bibliothèque personnelle soit impeccablement rangée et qu’elle soit aussi nickel à la maison qu’au travail, mais c'est chose assez rare.
Même si le bibliothécaire reste très attaché au livre imprimé, il franchit tête haute le cap du 21e siècle en tentant de lire des livres numériques (appelés aussi ebooks) sur son ordinateur, son assistant personnel (appelé aussi PDA), son smartphone ou sa tablette dédiée, avec plus ou moins de conviction les premiers temps, histoire d’être dans le coup, avant d'être totalement séduit par ces nouveaux supports.
En professionnel du livre digne de ce nom, le contact avec le papier reste pourtant indispensable à son bien-être à la fois professionnel et personnel. Insistera-t-on jamais assez sur la complémentarité de l'imprimé et du numérique?
Technobsédé, mais à temps partiel
La nuit, le professionnel du livre non technophile rêve du temps où l'ordinateur n'avait pas encore envahi la planète en général et les bibliothèques en particulier. Pendant ce temps, le professionnel du livre technophile rêve au papier électronique, sans très bien savoir de quoi il s’agit exactement, puisqu’il est encore dans les éprouvettes des chercheurs, mais ne devrait pas tarder à en sortir.
Après cette courte digression nocturne, on terminera en soulignant avec force le rôle pivot du bibliothécaire-cyberthécaire dans un monde du livre en pleine mutation.
Le bibliothécaire était déjà là pour classer les manuscrits des moines-copistes. Le bibliothécaire était encore là pour conserver ce que Gutenberg et ses successeurs imprimaient. Le bibliothécaire était toujours là pour organiser les premières bibliothèques municipales. Au début du 21e siècle, le bibliothécaire gère non seulement du papier, mais aussi des disquettes, des CD, des CD-ROM, des DVD, des pages web, des fichiers musicaux, des vidéos, des ebooks et moult autres documents numériques.
Vu le nombre de documents et la multiplicité des supports, la tâche devient de plus en plus rude. Mais, depuis cinq siècles que le bibliothécaire est d’attaque sur tous les fronts, un pari de plus ne lui fait pas peur.
N'est-il pas enfin temps de lui rendre l'hommage qu'il/elle mérite lors du Salon du Livre 2011 ? Tout en célébrant aussi les littératures nordiques ?
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