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Les petites Maillol (Claude Adelen)

Par Arbrealettres
Les petites Maillol (Claude Adelen)


Dans ces labyrinthes frais et verts
on voit les petites Maillol, fluviatiles,
océanes, antiques, l’Eté, Flore et Pomone
nues, ou drapées bien en chair, les fruits

Désirables qu’elles portent! Autre chose
que de la couleur, la forme des saisons,
autre chose que des mots, ou simplement un désir

De mots. Comme si ventre, seins et bras
et offrande de pomme ou d’orange
étaient matière de souffle et fougue du jour d’été
qui ébouriffe et irise les jets d’eau.

Dans le bronze ou le plomb
ces formes lisses de fesses,
cuisses et seins,
et l’asile obscur des bras
où parfois rêve un visage

Qui n’est visage de personne,
ou tête pensive dans la paume,
la Méditerranée et la Nuit. Oublieuses,
nues dans le sommeil noir des mots,
cette couleur étrangère
qu’ont les yeux fermés, cette couleur d’oubli

Qui coule de l’été dans les plis secrets
du coude et de l’aine,
dans l’entrejambe et l’absence de sexe,
là où rien ne parle, la source,
la bouche d’énigmes.

La Douleur, solitaire,
masse de femme, opulente, inaccessible,
au milieu de la pelouse.

Sur la surface lisse déroulée
dans la lumière du soir presque irréelle
et que laque un soleil acrylique de cinq heures,
autour de l’étrangère qui s’est assise là,

Claudiquent les étourneaux comme un seul geste,
en tout sens. Quelle calligraphie trempe
dans l’encre de chine ces porte-plume?
quelle main invisible guide leurs becs avides?
ils sautillent, ils crient,

Sur l’herbe de soie ils écrivent
la douleur, l’incompréhensible idéogramme.

Grâces mille neuf cent, sculpturales garces!
« C’te grosse vache de Vénus »
tandis que la Baigneuse relève
pour le bain de minuit son chignon,
d’autres, des vivantes

Des loquaces en robes blanches
agitent leurs mains
bagues qui scintillent dans le soir,
(et leurs autres étoiles secrètes),

Elles passent, ces alertes, ces éphémères,
le portable à l’oreille et l’ambre
du regard dans les veines de l’air
tandis que le jet d’eau

D’heures lasses s’affaisse,
on est visage et sourire noyé
à ces fleurs d’ophélies qui nous survolent,
bloc de parole creuses
au fond de l’eau.

Une ronde immobile d’enfance,
les trois Nymphes graciles
en conciliabule,

Et leurs paumes offertes
à des blancheurs qui tombent,
pétales, papillons, aux invisibles
aux silencieuses chutes de l’heure
qui viennent leur manger dans la main,

Paumes qui offrent, ou qui recueillent
les mots enténébrés de l’enfance. Chacune
présent à l’autre
cette fleur au coeur noir, et c’est encore

L’avide et le feu de l’été très proche
toute aile qui de ces mains ouvertes
s’échappe et fait tourner
les miroirs de l’air.

(Claude Adelen)



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