Une boucle de bouclée, en quelque sorte, tout aussi cyclique que son roman. Louis Vertumne est chroniqueur littéraire implacable pour un grand quotidien. Rien des productions de ses contemporains ne trouve grâce à ses yeux, et il éreinte tout ce qui lui passe entre les mains avec force. Mais Louis Vertumne est un homme âgé, bien plus qu’à l’hiver de sa vie, et en ce soir de Noël, alors qu’il sort faire une course, il croise un jeune paumé qui tente de le racketter. Cela s’achève sur un coup de couteau malheureux et la mort du chroniqueur. Fin du premier chapitre, page 12.
Mais voilà qu’une seconde plus tard, Vertumne ouvre de nouveau les yeux. Ébranlé, il se redresse et voit son corps, son ancien corps, allongé sur le quai du métro, sans vie. Lui, tient à la main un couteau ensanglanté, l’arme de son propre crime. Il paraît que si l’on fixe le regard de son meurtrier, on prend alors possession de son corps. Vertumne en fait justement l’étrange expérience et devient Donovan Dubois, petit malfrat sans envergure. Seul un téléphone portable dans la poche et une photo, celle de Julie, le guident dans cette nouvelle vie qui s’offre.
Vertumne… du nom de ce roi d’Étrurie, dont le nom signifie changement, et qui put changer de forme, qui s’unit à la nymphe Pomone pour former un couple immortel, qui jamais ne vieillit. Et Poppée, doit-on y lire l’allusion à la seconde épouse de Néron, célèbre tant pour sa beauté que ses intrigues ? Avec Le corps de l’autre, Châteaureynaud livre une fable sur la seconde vie, loin de rimer avec seconde chance. Aux errances du vieillard rajeuni, ses rancœurs latentes et son caractère sinistre s’opposent la vie nouvelle, l’autre chance. Qu’il est incapable ou presque de saisir.
Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait… Oui, mais si cela ne changeait rien ?
Retrouvez Le corps de l'autre de Georges-Olivier Châteaureynaud, en librairie