Magazine Culture
Premier film et retour aux premiers traumas, Judith Godrèche ne dément pas l’adage: beaucoup de cinéastes lancent leur carrière avec une œuvre retour à soi, semi autobiographique et grandement cathartique. Comme s’il fallait tout donner, au cas où. Et Judith donne tout, avec classe, sensibilité et pudeur. Le trou béant de l’absence d’une mère d’abord, avec cette fillette du passé (en double d’elle-même) qui pourchasse les spectres du manque, le vide que les promesses non tenues laissent derrière elles ensuite, avec cette homme fuyant et lâche, amant de passage qui ne s’engage jamais. La mélancolie enfin, en leitmotiv, en filigrane, douce musique susurrée à l’oreille (sublime B.O signée Julien Doré), qui offre en regards et gestes plus de force et d’intensité que mille mots. Car le film de Godrèche travaille au corps l’émotion, captant dans l’air les frôlements, les non-dits, les visages et les silences, pour mieux parler de la solitude, du flottement de la vie, de ce que l’on ne prononce pas, l’indicible sentimental. Elle nous ballade sur les trottoirs parisiens dans une mise en scène aérienne, faite de tous petits riens, nous bouleverse en une phrase jetée en l’air, pour rien, pour réfléchir, pour méditer, sur le sens de la vie et de l’amour, des chemins que l’on prend, et de ceux que l’on subit. D’un bout à l’autre, le spleen ambiant enveloppe et élève l’esprit, jamais plombant, mais toujours empreint d’une belle poésie salvatrice.