LFSM #3 : Jesca Hoop + Trash Kit + John & Jehn

Publié le 06 avril 2010 par Hartzine

Photos©Emeline Ancel-Pirouelle pour Hartzine

Jesca Hoop + Trash Kit + John & Jehn, Festival Les Femmes S’en Mêlent, Paris, La Maroquinerie, 29 mars 2010

Pour cette septième soirée parisienne du festival Les Femmes S’en Mêlent, l’équipe féminine d’Hartzine au grand complet - qui se compte sur les doigts d’un manchot estropié - s’est retrouvée à la Maroquinerie pour le concert très attendu de John & Jehn. Pendant que Vv trépignait d’impatience en se posant mille questions auxquelles vous trouverez les réponses un peu plus bas, Emeline s’est penchée sur la mise en bouche.

Jesca Hoop + Trash Kit

Habitant à l’autre bout du monde - Boulogne-Beach, enfin Boulogne-Bitch, en l’occurrence -, j’arrive en retard et en sueur à la Maroquinerie. C’est qu’il y en a, des côtes, dans le coin. Pas le temps de me rafraîchir le gosier, je fonce dans la salle. Premier constat : le lieu est occupé à 87,34% par des photographes (si, si, j’ai compté) dont environ 3,8% semblent de très mauvaise humeur ; pour l’ambiance, on repassera. Intriguée par les mélodies sucrées qui viennent de la scène, je me fais tant bien que mal une place sur le côté, face à deux choristes mi-nerd, mi-midinettes, comme en attestent leurs Ray-Ban oldschool et leurs tenues pailletées. A leur droite, un guitariste assis discrètement sur une chaise et à l’autre bout de la scène, un batteur également en retrait. L’attraction principale de cette première partie se trouve au centre - tiens, comme c’est étonnant - en la personne de Jesca Hoop, jeune auteur-compositrice californienne dont le deuxième album est sur le point de conquérir la France, et remplaçante au pied levé des Dag för Dag qui ont dû annuler leur tournée à la dernière minute. La première chose que je remarque, ce sont ses chaussures et sa chute de reins à faire pâlir d’envie… euh… moi, présentement. Pour ne rien gâcher, sa jupe taille haute galb… ah, on n’est pas dans un magazine féminin ici ? Bon, et la musique alors dans tout ça ? La jeune femme, dont le travail est soutenu par Tom Waits, délivre un folk simple mais subtilement mis en valeur sur scène par les deux choristes sus-citées dont les minauderies vocales donnent à l’ensemble une agréable sonorité sixties et acidulée. Quand ces dernières quittent la scène afin que Jesca profite seule de son final, ses morceaux perdent d’ailleurs un peu de leur charme. Jesca, oops.

Pendant que Vv se dévoue pour aller me chercher une bière - il faut bien que je me remette de toutes ces côtes et de la frustration de n’avoir pas pu me jeter sur Jesca pour lui arracher ses chaussures avec les dents -, j’essaye de conserver ma place au premier rang, mais la dispute qui éclate entre certains photographes me convainc de la céder. Je garde quand même un oeil sur eux au cas où une bagarre à coups d’objectifs à trois mille euros dans la face éclaterait - ça pourrait lancer ma carrière de journaliste sportive, qui sait. Malheureusement pour moi, le calme semble revenir. Une autre fois peut-être ?
Pendant que la colère grondait dans la fosse, les trois filles de Trash Kit ont mine de rien eu le temps de s’installer de l’autre côté. Je découvre leurs costumes avec amusement : Ros Murray, ex-bassiste d’Electrelane, a l’air d’avoir quinze ans dans son costume d’Halloween tandis que Rachel-la-guitariste traîne son short de catcheur et ses chaussettes sur le sol poussiéreux et que Rachel-la-batteuse semble avoir pioché n’importe quoi dans son dressing avant de partir pour Paris. Et leur musique s’avère aussi colorée que leur accoutrement : mélange primaire de punk et de power-pop puérile, leurs morceaux fracassants réjouissent l’assemblée en aussi peu de temps qu’il en faut pour l’écrire. C’est le cas de le dire : les chansons durent parfois à peine plus de trente secondes, mais elles sont si énergiques qu’il n’en faut pas plus pour retourner la salle. Ça danse à ma gauche, ça remue les cheveux à ma droite, et j’ai moi-même une irrépressible envie de sauter partout en hurlant. Mais ça, Rachel-la-guitariste ne manque pas de le faire. Rachel-la-batteuse, qui l’accompagne au chant, frappe tout ce qu’elle peut sur ses fûts, mais toujours avec dignité : pas de mimiques constipées indiquant que “oh là là, regardez comme c’est difficile, ce que je joue”, mais au contraire un air amical qui lui donne d’ailleurs un curieux air d’Ellen Page, ce qui a le mérite de la rendre immédiatement sympathique à nos yeux. Le prototype de la copine un peu folle, quoi. Ros reste d’ailleurs très près d’elle pendant tout le set, comme si elle avait besoin d’un soutien bienveillant pour être rassurée. De la même façon, elle ne s’adresse jamais directement au public, mais transmet ses remarques à Rachel-la-guitariste afin que celle-ci les répète dans le micro : “Ce concert est dédié aux queers !” C’est qu’elles ont des balls, ces filles-là.

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John & Jehn

Ah qu’il est difficile de faire le report, et donc la critique d’un groupe dont vous connaissez l’album de bout en bout pour l’avoir fait tourner sur votre platine ad nauseam ! Time Of The Devil, qui a contrario de ce qu’il proclame, m’a apporté lumière et énergie positive en cette fin d’hiver interminable, m’est apporté sur un plateau ce soir par ses deux instigateurs lovers. Je suis presque nerveuse. Comment vont-ils parvenir à jouer cet album qui hésite mille fois entre influences gainsbouriennes et eigthies flamboyantes ? Comment équilibrer les différents plans, la voix très présente, les claviers dominants ? Cette question, John & Jehn ont dû se la poser en long et en large avant l’un de leur premier live sur ce nouvel album. Et pour l’instant, si l’équilibre des forces n’est pas encore résolu, le duo semble parti pour s’envoler très haut.
Après deux premières parties dont Emeline n’a pas raté une goutte, abonnée aux premiers rangs des photographes, le duo sexy se mêle aux roadies pour installer le matos, nous laissant entrevoir une impatience dopée à l’adrénaline. Les fans de la première heure sont présents, hypnotisés par la présence magnétique de Jehn, le regard intense braqué sur la console. Cette fille-là n’a pas fini de nous en faire voir. Arrive une blondinette pailletée de la tête aux pieds que nombre d’entre nous reconnaissent : Maud-Elisa alias Le Prince Miiaou empoigne ce soir la guitare pour accompagner J & J, auxquels s’ajoute un batteur goguenard, remplaçant les boîtes à rythme que les Franco-Londoniens utilisaient à leurs débuts.

Shades et Vampire inaugurent le set. Pas mes préférées je dois dire. Le public qui (malheureusement pour lui) ne connaît pas ces nouveaux titres reste statique, les deux lovers pourtant bien décidés à nous faire vibrer. Avec une production aussi léchée sur l’album, il était évident que le son allait en prendre un coup. Et si J & J ont décidé d’un parti pris, c’est bien celui de sonner rock jusqu’à la distorsion. Ce choix prend tout son sens avec Ghost qui atteint enfin le public apathique par la puissante interprétation de Jehn et une énergie brute à donner la chair de poule. Bien différente de la version studio, et à bien des égards plus réussie. Le charme semble se prolonger, et je commence sérieusement à prendre mon pied, oubliant presque ma mission de la soirée pour me perdre un peu dans l’univers de B.O. du duo sexy… Suit le single Time For The Devil, comme l’annonce un John à la voix grave et profonde, finissant de connecter le groupe et la salle pour un moment électrique à souhait. Make Your Mum Be Proud, extrait de leur premier album, se termine avec une Jehn épique, lançant son “Proud !” à la foule emballée qui finira par le scander en cœur, comme le slogan d’une campagne largement plébiscitée. Ce que je trouve particulièrement intrigant et qui me tiendra en haleine comme bon nombre de fans ce soir, c’est cette alchimie discrète mais prégnante entre les deux (excellents) musiciens. Ils n’auront pas un geste évident l’un envers l’autre, mais les regards et la sourde tension entre eux alimentent l’énergie presque sexuelle de ce live. Et leurs “accompagnateurs” de ce soir se mêlent sans accroc à cette sauce bien dosée. Dommage que la balance leur ait joué des tours ce soir. Sur Oh My Love, la voix de Jehn reste à peine audible alors qu’elle devrait occuper tout le premier plan avec les claviers sixties, eux non plus pas assez poussés. Ces détails pourtant prégnants pour n’importe quelle prestation en live s’oublient presque face à l’évidence de leur talent. Après un rappel pour la forme, le groupe finira en beauté avec Shy, petite merveille eighties à mourir, qui réussira le miracle de faire remuer le public de la Maroque, conquis une nouvelle fois par les amants terribles de London Town.

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