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« Il y eut un monde où tout se déroulait avec lenteur. Une paresse agréable, je dirais presque saine, gouvernait la vie des hommes. Les hommes allaient, passablement oisifs. Ce qu’ils faisaient, ils le faisaient avec réflexion, lentement. Ils n’avaient pas une si inhumaine quantité de choses à faire, ne se sentaient aucunement sollicités ou obligé de s’exténuer, de s’user au travail. Hâte et agitation, empressement immodéré, il n’y avait rien de cela chez ces hommes. Nul ne se forçait outre mesure, et c’est pourquoi la vie était si avenante. Qui doit travailler âprement ou d’une façon générale s’active beaucoup, celui-là est perdu pour la joie, il offre une mine chagrine et tout ce qu’il pense est modeste et triste. L’oisiveté serait la mère de tous les vices dit un vieux proverbe éculé. Les hommes dont il est ici question ne confirmaient nullement le sens de ce proverbe un peu inconsidéré, au contraire ils le démentaient, le dépouillaient de toute signification. En prenant leurs aises sur une terre innocente et familière, ils jouissaient en silence de leur être dans une quiétude d’une beauté de rêve, et du vice, une telle distance les en séparait que la pensée ne leur en venait même pas… »