Chose promise, chose due. Dans notre premier volet sur la partition je vous annonçais que nous parlerions du problème de la qualité éditoriale et des différentes versions d’un texte. Le texte est notre matériel de base, et bien souvent tout ce qu’on peut trouver au sujet de la musique que l’on souhaite interpréter. Dans le cas d’un compositeur encore vivant on peut toujours le contacter pour connaitre son avis, mais dans le cas d’un Beethoven, il est un peu tard pour savoir si tel ou tel phrasé est bien conforme à sa pensée.
Il existe principalement trois types de textes: les éditions dites Urtext, les éditions révisées ainsi que les facsimilés. Chacune de ses différentes éditions peut être intéressante pour l’interprète. Nous allons donc voir de quoi il s’agit. Tout d’abord l’édition Urtext. « Urtext » en allemand signifie « texte original ». Dans ce cas, l’éditeur s’efforce de revenir à un texte objectif, essayant de reproduire l’intention originale du compositeur, et enlevant tous les ajouts faits au cours du temps par diverses parties. Pour effectuer ce travail, l’éditeur se base sur le manuscrit (s’il existe encore) ainsi que sur les premières éditions, et la correction des premières épreuves par le compositeur lui-même.
L’édition révisée offre quant à elle le point de vue personnel de l’éditeur sur la question de l’interprétation. Souvent révisées par de grands interprètes, elle peuvent s’écarter de l’Urtext par des ajouts ou changements de dynamique, certaines fois des modifications plus profondes de la partition, par exemple certaines notes ou même des passages entiers supprimés.
Le facsimilé est lui un copie photographique d’une source. Parfois extrêmement difficiles à lire, je pense ici particulièrement aux manuscrits de Beethoven, ils sont souvent utilisés par les chercheurs ou les interprètes menant une étude sur telle ou telle oeuvre.
Souvent, en tant qu’étudiant, j’ai entendu mes professeurs ne jurer que par la version Urtext des partitions. Mais si elle est sensée revenir à un texte original, on peut certaines fois mettre en doute la qualité « Urtext » de certaines éditions, apposant le nom comme gage de qualité dans un but mercantile plutôt que comme le résultat d’un vrai travail éditorial sérieux. D’autre part, le retour aux « intentions originales » du compositeur est quelque chose d’assez difficilement définissable, donc très variable selon les éditeurs. Il faut donc se renseigner sur les éditions urtext faisant référence pour un compositeur donné.
Une bonne édition Urtext est donc souvent indispensable quant à l’authenticité du texte, mais un engagement personnel est aussi indispensable à une interprétation réussie. C’est là qu’entrent en jeu les éditions révisées. Faites par des experts, elles vous apportent un regard spécialisé et peuvent vous donner des idées d’interprétation ou renforcer votre vision de la partition. Au delà d’un avis sur une pièce en particulier, elles vous aident également à comprendre comment de grands interprètes ont forgé leur propre esthétique.
On ne le dira donc jamais assez: il faut comparer, comparer et comparer encore les différentes éditions pour explorer le texte dans ses moindres recoins et aboutir à une interprétation personnelle d’une oeuvre. Même si les enregistrements ont pris beaucoup de place dans notre vie d’interprète, la comparaison des éditions reste nécessaire et beaucoup plus propice à la construction d’une esthétique vraiment propre à l’interprète. Le disque mène généralement vers la copie d’un style en le vidant de son essence. « Cherchez, cherchez, TOUT est dans le texte » me disait souvent un de mes professeur, et il avait bien raison.
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