Avec ses 450 000 km² de superficie, soit 10% du territoire de l’Union Européenne, la mer Baltique est une région stratégique majeure en devenir du Nord de l’Europe. Comptant parmi ses pays riverains huit pays de l’Union Européenne (Allemagne, Danemark, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Pologne et Suède) ainsi que la Russie, la mer Baltique souffre depuis plusieurs décennies de graves problèmes de pollutions. Ceux-ci sont en grande partie dus aux rejets de déchets ainsi qu’à la particularité de la Baltique : une mer quasiment fermée dont l’eau ne se régénère que tous les 30 ans. Ainsi, enjeux environnementaux, économiques et énergétiques semblent s’entremêler de manière subtile au sein de cette région qu’est la mer Baltique.
L’environnement de la mer Baltique est un sujet qui a pris de l’importance au cours de ces quatre dernières décennies. En effet, la mer Baltique est considérée comme la mer la plus polluée au monde qui n’abrite pas moins de sept des dix plus grandes zones mortes au monde. Cette pollution provient des retombées mondiales des essais d’armes nucléaires, de l’accident de la centrale de Tchernobyl survenu en 1986, des rejets des usines de retraitement ainsi que des rejets provenant de l’agriculture et de l’industrie lourde de l’ancien bloc de l’Est via les fleuves côtiers des pays Baltes notamment. De plus, la Baltique fut durant la Première et la Seconde guerre mondiale le théâtre d’un important champ de bataille ce qui explique la présence « d’environ 40 000 tonnes d'armes chimiques polluent le fond de la Baltique, sans compter les 300 000 tonnes de munitions qui gisent dans la mer » ainsi que celle de nombreux navires coulés lors de ces deux guerres (d’après le quotidien Polska Times : « Mamy bat na Gazprom).
Dès lors, la dépollution de la mer Baltique est devenue une priorité essentielle des neufs pays riverains. Dès 1972 a été signée la première Convention d’Helsinki, convention sur la protection de l’environnement marin dans la mer Baltique. Cette convention a été mise à jour en 1992 mais n’est en vigueur que depuis 2000. Le bras exécutif de cette convention est géré par la Commission d’Helsinki, HELCOM, dont le rôle est de protéger et de restaurer l’environnement marin de la Baltique. La présidence de cette Commission est assurée par roulement tous les deux ans par l’un des neufs pays membres. L’actuelle présidence est assumée par la Russie, en la personne de Monsieur Igor Ivanovich MAYDANOV, et ce du 1er Juillet 2008 au 30 Juin 2010. Cette commission fixe des objectifs et accorde tous les ans une note, allant de A à F, à chaque pays en se basant sur 6 critères environnementaux tels que la pêche, le transport maritime, les substances dangereuses, la biodiversité, l’eutrophisation et la gestion de l’utilisation de la Baltique. En 2008, l’ensemble des pays recevaient la note la plus basse (F). L’année 2009 montre une amélioration de la prise en compte de ces pays quant à l’enjeu écologique de la mer Baltique. En effet, les notes émises par l’HELCOM vont cette année de B à D, l’Allemagne recevant la meilleure note et la Russie ainsi que les pays Baltes récoltant quant à eux la moins bonne note (Rapports du WWF : « 2008 Baltic Sea Scorecard » et « 2009 Baltic Sea Scorecard »).
Les Allemands semblent être en avance concernant la « planification pratique des zones maritimes, qu’il s’agisse de désigner des zones pour les éoliennes off-shore, les routes maritimes ou les tracés de câbles sous-marins » (article du site Novethic.fr, « Lueurs d'espoir en mer Baltique »). De son côté, l’Union Européenne a décidé de lancer un programme visant à développer de nouveaux liens dans la région. La Commission européenne met en place un projet commun visant à promouvoir la coopération autour de quatre domaines : l'environnement, l'économie, l'énergie et le transport et la sécurité. Sur un budget total de 50 milliards d’euros, la Commission européenne réserve 10 milliards sur la question de l’environnement. Ce projet représente « une nouvelle façon de travailler ensemble dans l’Union Européenne » selon Danuta Hubner, commissaire européen pour les politiques régionales et femme politique polonaise. Ce projet innovant à l’échelle d’une si grande région s’apparente à être un projet pilote et fédérateur au sein de l’Union Européenne amenant par la suite d’autres projets comme celui de la région du Danube ou bien des Alpes. A travers ce type de projet, l’Union Européenne peut elle augmenter la cohésion des 27 et, ainsi, obtenir plus de crédibilité et donc plus d’influence sur la scène internationale ?
La dépollution de la Baltique est un point majeur concernant l’économie de la région. Ce problème est d’autant plus crucial une fois mis en perspective avec, d’une part, le projet de gazoduc du North Stream reliant la Russie à l’Allemagne et visant à alimenter directement l’Europe en gaz russe et, d’autre part, l’importance du trafic maritime au sein de la mer Baltique. Ce gazoduc suscite beaucoup de polémiques notamment concernant l’impact écologique qu’aurait un tel projet sur l’écosystème de la mer Baltique. Les pays scandinaves, et plus particulièrement la Finlande et la Suède, s’opposent à ce projet dénonçant les retombées négatives sur l’environnement. La Finlande souhaite de plus que ce gazoduc ne traverse pas ses eaux territoriales afin que celui-ci passe au sud de l’île de Hogland, chose considérée comme impossible par la Russie du fait de la présence de nombreuses épaves à cet endroit et d’un trafic maritime relativement dense. En effet, plus de 2000 navires se croisent au sein de la Baltique chaque jour, soit environ 15% de la navigation maritime mondiale. Cette route maritime considérée comme l’une des plus intenses au monde est notamment empruntée par les pétroliers venant du port de St-Petersburg, grand port russe exportateur de pétrole. Se sentant mis à l’écart par la Russie, les pays baltes et la Pologne avancent de même l’argument écologique afin de faire pression sur l’itinéraire de ce gazoduc. En effet, au départ, deux projets étaient en concurrence : celui du North Stream et le projet Ambre, faisant passer ce gazoduc par les pays baltes et la Pologne. Ainsi, au sein de l’Union Européenne, la Pologne chercherait à accroître sa position tout en ayant une politique de préservation de puissance par rapport à la Russie. De son côté, la Russie dénonce le lobby politique antirusse européen et américain ainsi que les « fausses inquiétudes face à « l’arme énergétique » russe des Européens ». Cependant, ce gazoduc serait l’occasion pour la Russie d’accroître la dépendance de l’Allemagne et de l’Europe du point de vue énergétique et donc, dans une certaine mesure, d’asseoir son influence sur l’Europe. Ceci viendrait corroborer la déclaration faite par le président Poutine au président américain Clinton en novembre 1999 : « Vous avez l’Amérique du Nord et celle du Sud, vous avez l’Afrique et l’Asie. Vous pourriez au moins nous laisser l’Europe. »
Finalement, on peut voir apparaître, autour de la mer Baltique et de l’enjeu écologique qu’elle suscite, des rivalités de pouvoir à distance entre la Russie et l’Union Européenne ainsi qu’au sein même de l’Union Européenne où les pays baltes et la Pologne cherchent à occuper une place de plus en plus importante. En outre, l’Allemagne semble plus contrastée en ayant d’une part des liens forts avec la Russie sur la question énergétique et, d’autre part, en étant un acteur majeur du développement de l’Union Européen. La situation de l’Allemagne est rendue encore plus compliquée par la position de l’ancien chancelier Gerhard Schröder à qui l’on reproche de mêler intérêt privé et intérêt de l' Etat dans son désir de prendre une position première dans le consortium de réalisation du gazoduc Nord-européen. Ce projet de gazoduc suscite une polémique supplémentaire du fait que certains parlementaires suisses émettent l’hypothèse que les plateformes servant au parcours du gazoduc pourraient faciliter le positionnement de la flotte russe au sein de la Baltique suite à la détérioration des relations russo-suédoises concernant le projet North Stream et les conditions des droits de l’homme en Russie. Bien que cela reste hypothétique pour le moment, comment, dès lors, interpréter les exercices militaires Zapad-2009 et Ladoga-2009 organisés en aout – septembre 2009 au sein de la mer Baltique ?
Thomas Rodier
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