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Le bouclier de Sarkozix

Publié le 06 avril 2010 par Nicolas007bis

Romus et Romulus
Je rebondis sur un billet de notre maitre à tous (ou presque), j’ai nommé César (pas Jules de son prénom mais Borgia de son nom) alias l’Hérétique à propos du bouclier fiscal.
J’étais parti pour faire un commentaire de son billet mais il aurait été un peu long. Déjà que les billets trop longs sont lus en diagonale sauf lorsqu’ils sont écrits par les as de la plume dont je ne fais malheureusement pas partie, alors pour les commentaires je ne vous dis pas !... D'autant plus quand on est d'accord avec le billet commenté, ce qui est tout à fait le cas !

Une popularité réduite à peau de chagrin, une piquette aux Régionales, des députés UMP au bord de la rébellion, décidément le chef Sarkozix (ça c'est le résultat d'une association d'idée entre bouclier et César (Jules celui-ci) inspirée d'Asterix et le Bouclier Arverne ) est tombé de son bouclier… fiscal !

Bien évidemment, le bouclier n’est pas la seule cause de ce désaveu cinglant mais force est de constater qu’il cristallise exagérément les mécontentements.

Pourtant, l’idée consistant à plafonner les prélèvements que l'Etat opère sur les revenus d’un contribuable me parait être un garde fou à la fois juste et de bon sens. Juste, parce que rien ne justifie que l’Etat spolie quelqu’un de l’essentiel de ses revenus, sauf à considérer que ceux-ci sont indus, et de bon sens parce que dans une mesure qui reste à déterminer, des prélèvements trop importants poussent à la fuite des capitaux vers l'étranger.

De plus, n'oublions pas que ce bouclier fiscal qui crée tant d’émoi, n’a été mis en place que pour compenser les dommages collatéraux créés par l’ISF. Au lieu de purement et simplement supprimer l’ISF, ce qui aurait eu un effet symbolique désastreux (en France on est très attaché aux symboles même les plus ineptes) on a préféré créer le bouclier fiscal ce qui, il faut l’avouer, est beaucoup mieux passé ….jusqu’à que Nicolas Sarkozy s’en mêle.

Parce que, parmi tous ceux, et ils sont nombreux, qui crient haro sur le bouclier fiscal et utilisent ce prétexte pour vilipender Sarkozy, beaucoup oublient qu’il n’en n’est pas l’inventeur.

C’est le revenant et étonnamment populaire Dominique de Villepin qui en est l’heureux papa, certes avec un taux de 60% mais pour autant c’est à lui que l’on doit le concept du moins dans sa version française.

Tout dans son souci de diminuer les prélèvements, Sarkozy a eu le tort de baisser ce seuil à 50%. Grossière erreur car il a ainsi complètement saboté sa loi TEPA dont l’essentiel n’était certainement pas dans le bouclier fiscal (défiscalisation heures sup, rembt intérêts d’emprunt, allègement droits de succession...) et il a attiré l’attention de tous, sur une disposition que l’on avait finis par oublier et qui n’a été perçue que comme un cadeau fait aux riches …ce qui n’est ni vraiment faux ni vraiment scandaleux !

La diminution de ce taux, aussi justifiable quelle puisse être conceptuellement, a été pour le moins maladroite de la part de quelqu’un qui avait déjà beaucoup à se faire pardonner en matière d'accointances réelles ou supposées avec les riches contribuables !...du coup, beaucoup on fait une fixation sur cette décision pourtant pas nécessairement la plus importante qu’il ait prise !

Malgré tout, dans le contexte d’il y a 300 ans, époque bénite ou on pouvait encore espérer une croissance digne de ce nom, l’idée de dynamiser l’économie en diminuant la charge des prélèvements obligatoires était tout à fait recevable !

Certes, il s’est planté d’une part en surestimant sa capacité à diminuer le train de vie de l’Etat et d’autre part en distribuant du pouvoir d’achat aux ménages plutôt qu’en aidant les entreprises, mais fondamentalement, l’idée de dire qu’un taux de prélèvements obligatoires de 45% constituait un boulet pour l’économie française me semble tout à fait pertinente.

Cette histoire de bouclier fiscal est très révélatrice de plusieurs travers de notre Société.

Tout d’abord, du manque de courage politique de nos dirigeants. On refuse de supprimer l’ISF malgré tous les inconvénients que présente cet impôt et on préfère le recouvrir d’une bâche de protection, considérant probablement qu’il est toujours préférable de ne pas fâcher les foules quitte à faire dans l’incohérent et le très compliqué, plutôt que de faire simple et efficace. On retrouve dans cette manière de faire un résumé parfait de notre système fiscal !

Ensuite, de notre rapport avec l’argent. Pour beaucoup de français, gagner beaucoup d'argent est une faute et donc en prélever beaucoup à ceux qui en gagnent beaucoup, n’est que justice !

Dès que l’on parle de la vilénie du bouclier fiscal, on évoque immanquablement la justice fiscale ou en l’occurrence l’injustice fiscale mais qu’est ce veut donc dire la justice fiscale ?

On est juste par rapport à quoi ?

Est-ce que le fait de prendre + de 50% des revenus d’un contribuable, et uniquement en prélèvements directs de surcroit, est juste ?

Il me semble que l’on confond allègrement la notion de justice et celle d’égalitarisme comme si une fiscalité juste se devait d’être une fiscalité qui compenserait totalement les écarts de revenus !

Que l’on trouve scandaleux que le travail de certains ne soit pas valorisé comme il devrait l’être, bien sur, mais il faut s’attaquer au problème à la source, ce n’est pas à l’Etat d’intervenir de force avec ses gros sabots cloutés pour mettre tout le monde sur le même niveau de revenus à coup de marteau pilon confiscatoire !

De toute façon, la suppression du bouclier fiscal ne résorberait en rien les inégalités réelles ou supposées. Si notre système fiscal n’est pas aussi redistributif que beaucoup le souhaiteraient (précisons quand même qu'il l'est déjà beaucoup), la faute n’en incombe certainement pas au bouclier fiscal qui ne profite qu’à ceux qui sont déjà soumis à un taux de prélèvements directs supérieur à 50 % !

Enfin, cette histoire révèle également notre incroyable talent pour nous focaliser sur l’accessoire plutôt que de regarder dans les yeux les vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés.

On trouve beaucoup plus simple de s’attaquer aux « riches » plutôt que de se demander comment on en est arrivés à manquer d’argent alors que l’Etat ponctionne déjà près de la moitié de la richesse produite en France !

On trouve plus simple de se focaliser sur les 500 millions de « manque à gagner » du fait du bouclier fiscal plutôt que de se demander comment on va pouvoir faire pour résorber une dette publique de 1 500 milliards !

Plus généralement, on trouve beaucoup plus simple de s’exciter sur cette mesure, somme toute marginale, que de se questionner sur la structure de notre fiscalité, sur ses nombreux objectifs, sur son niveau (élevé), sur sa répartition entre impôts directs et indirects, entre personnes physiques et entreprises, entre revenus du travail et revenus du patrimoine, sur sa progressivité, sur son efficacité, sur les couts liés à sa complexité, etc etc

Cela dit, puisqu’on s’attache plus aux symboles qu’à la réalité des choses, et qu’il va falloir demander, à tous, de faire des efforts, un consensus autour de notre fiscalité parait nécessaire et dans ce cadre il semblerait judicieux que Sarkozyx maintenant qu’il a lourdement chuté de son bouclier, s’abstienne d’y remonter.

Il pourrait même en profiter pour remettre à plat la fiscalité sur les personnes physiques afin de la rendre plus lisible, plus efficace et plus universelle, ça lui permettrait de ne pas avaler son casque à cornes jusqu’au bout !


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