Si Tim Burton m’a un jour séduit, amusé, emballé, ce jour est lointain. En y réfléchissant c’est étrange car mon rapport au cinéaste américain est peu ou prou similaire à celui du japonais Kitano que j’ai relaté il y a quelques jours. Des années 90 fantastiques, des années 2000 décevantes. Dans le cas de Burton, la poésie sombre et mélancolique d’Edward aux mains d’argent ou l’humour corrosif et débridé de Mars Attacks ! ont laissé la place à des univers de pacotilles, grandiloquents mais désespérément creux.Le remake inutile de La planète des singes, l’univers acidulé tournant mollement en rond de Charlie et la chocolaterie, le ridicule d’un Sweeney Todd faussement sanglant mais véritablement niais, m’ont fait largement oublié qu’à une époque, Tim Burton représentait autre chose qu’un instrument de studio dans âme.
Je me suis rendu à Alice aux Pays des Merveilles sans conviction, et sans franche envie. Mais certains noms du cinéma continuent à laisser espérer qu’un jour la flamme reviendra. Un semblant de flamme traversait Big Fish il y a quelques années, mais hormis ce film, le dernier Burton à m’avoir séduit était bien Mars Attacks ! il y a… bientôt 15 ans ! Le dernier Burton en date, Sweeney Todd, m’a pratiquement fait hurler d’horreur, et pas au sens où le cinéaste l’entendait. Je n’attendais donc pas énormément d’Alice. Heureusement, car dans le cas contraire, je serais tombé de haut.
Je ne doute pas que j’ai bien fait, tant cette version « plate » m’a déjà trop encombré les papilles visuelles de superflu et de fourbi lassant. L’œuvre de Lewis Carroll, j’ai grandi avec, entre l’écrit et ses adaptations animées, du long-métrage de Disney à la série. Burton a choisi de s’en écarter pour imaginer une suite à « Alice au pays des merveilles ». Une suite dans laquelle Alice retourne au Pays des merveilles des années après sa première visite, et doit de nouveau se frotter à la Reine Rouge, au Chapelier fou et au Chat invisible.
L’idée aurait pu être bonne, si l’univers qu’a imaginé Burton était pourvu de sens et de légitimité. Or, narrativement ou visuellement, son Alice est à la ramasse. Un récit précipité qui montre très vite ses limites, hésitant entre la réinvention et l’acquis. Burton semble incapable de se décider entre l’hommage et le détournement, entre une ligne Disneyenne light et un univers sien plus enlevé. Son Alice picore dans les deux tons avec fadeur.
Tim Burton sera président du jury au Festival du Film de Cannes en mai prochain. Espérons qu’il saura faire preuve de plus de discernement au moment de remettre la Palme d’Or. Pour le moment, il semble perdu.