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L'Argentine épuisée par les Kirchner

Publié le 06 avril 2010 par Copeau @Contrepoints
L'Argentine épuisée par les Kirchner

A son arrivée au pouvoir en 2003, Nestor Kirchner trouva une Argentine qui se remettait lentement de la grave crise de 2001. Grâce au boom causé par la hausse très forte des cours des produits alimentaires exportés par les agriculteurs argentins, il put mettre en place une politique clientéliste, fondée sur un contrôle très fort de l'État sur l'économie. Ce boom lui permit de faire élire sa femme, Cristina Fernandez de Kirchner, à la présidence de la république après lui. Suivant largement les conseils de son mari, celle-ci n'a pas changé la politique menée, au plus grand bénéfice de quelques amis du pouvoir et au détriment de tout le reste du pays.

En effet, tant les Kirchner que leurs amis ont gagné des fortunes et les attaques de la presse libre sont récurrentes. Dernier exemple en date, quatre secrétaires privés de Cristina Fernandez sont visés par des enquêtes pour enrichissement illicite... Nestor Kirchner est pour sa part attaqué pour avoir converti des pesos pour deux millions de dollars, juste avant que la monnaie argentine s'effondre. Même s'ils rejettent les accusations de conflit d'intérêt, les Kirchner reconnaissent sans ambages que leur fortune a considérablement grossi au pouvoir. De même, le couple présidentiel est visé par des attaques récurrentes sur les revenus d'une vente d'actions faite par l'état de Santa Cruz quand Nestor Kirchner en était le gouverneur. Une bonne partie du montant total (estimé entre 600 millions $ et 1 milliard $) n'est jamais revenu dans les coffres de l'État selon l'opposition... Recourant à la même stratégie que Hugo Chavez, les Kirchner répliquent aux critiques en accusant les médias d'inventer ces histoires, d'être à la solde de leurs ennemis et de chercher à discréditer leur gouvernement. Mais, comme le note le journal The Economist, ces discours portent de moins en moins [1].

Si certains s'enrichissent, le reste du pays s'appauvrit de jour en jour, conséquence de la politique socialiste menée par le couple présidentiel. Dans les faits, le président dispose désormais du pouvoir de fixer à sa guise le prix de l'eau, de l'électricité, du gaz et autres ressources afin d'imposer sa politique. Conséquence, les prix trop bas ont découragé les investissements dans la recherche de nouveaux gisements de gaz, obérant à terme les revenus du pays. Les taxes élevées imposées sur les exportations de viande de bœuf ont cassé la filière bovine argentine, autrefois la perle de l'économie. Désormais, les exportations se font selon le bon vouloir du gouvernement et les prix sur le marché national se sont effondré. Ce qui n'empêche pas une inflation très élevée de se développer. L'inflation annuelle sur la période 2007-2010 est estimée aux alentours de 20%. Pour masquer la réalité de la situation, les Kirchner ont fait adopter une nouvelle mesure, qui minore artificiellement les chiffres et surtout leur permet de tricher sur les remboursements des emprunts d'état liés à l'inflation. La croissance est elle en baisse constante depuis 2004, malgré le boom des hydrocarbures.

Plus spécifiquement, ce sont les entreprises privées qui souffrent le plus, comme le reflète les chiffres de la croissance. Ainsi, l'entreprise pétrolière Shell est-elle régulièrement attaqué pour avoir refusé de collaborer avec le gouvernement et avoir augmenté ses prix : en 2006, le gouvernement imposa à la société 23 amendes car elle n'aurait pas fourni suffisamment de pétrole au pays. Dans la réalité, l'entreprise avait fourni 8% de pétrole en plus que l'année précédente, une augmentation plus forte que la moyenne du marché. De là à dire que ce n'était que représailles... Rien qu'en 2007, c'est 57 mandats d'arrêt qui ont visé le président de Shell en Argentine, José Aranguren, selon The Economist. Autre illustration de l'instrumentalisation de l'État, le groupe Clarin, premier groupe de médias du pays et critique farouche des Kirchner, a vu débarquer à son siège 200 inspecteurs des impôts au moment où l'assemblée voulait voter une loi l'obligeant à vendre nombre de ses participations. Une tentative peu discrète de museler la principale voix d'opposition du pays, derrière laquelle nombreux sont ceux qui voient la main des Kirchner.

Sur le reste de l'économie, l'intervention étatique n'est pas moins forte : quand le gouvernement a nationalisé les fonds de pension, il a hérité de participations dans les principales entreprises nationales, lui donnant par là le droit de nommer ou de révoquer nombre de dirigeants. Un pouvoir utilisé au maximum, avec une vingtaine de dirigeants de grande entreprise installés. Plus généralement, c'est comme d'une caisse que Cristina Fernandez s'est servi de ces participations, déversant l'argent public dans les grands travaux ou en achat de clientèle électorale. C'est ensuite sur les réserves de la banque centrale qu'elle a fait main basse, après des péripéties : Martin Redrado, gouverneur de la banque centrale, a tout d'abord refusé la demande de la présidence d'utiliser les réserves de la banque centrale à sa convenance. Quand Cristina Fernandez tenta de le renvoyer pour imposer sa décision, il rappela que seul le Congrès avait le pouvoir de le renvoyer, ce qui fut confirmé par la justice argentine. La juge qui avait eu l'imprudence de prendre son parti, Maria José Sarmiento, se retrouve avec la police à sa porte le lendemain et averti que tous ses mouvements seraient désormais surveillés. Dans la foulée, malgré l'illégalité manifeste de la décision, c'est un pion du pouvoir qui remplaça le gouverneur trop rétif.

Cette suite de décisions récentes laisse présager un futur noir pour l'Argentine. Espérons que la situation évoluera avant que les choses n'aient empiré encore. La côte de popularité de Cristina Fernandez semble heureusement annoncer un réveil des argentins : seuls 20% des habitants soutiennent désormais la présidente...


[1] "Socialism for foes, capitalism for friends", The Economist, 27 février 2010

Image : Nestor et Cristina Kirchner en 2004. Image sous licence CC paternité, réalisée par la présidence argentine.

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