Ce qui est particulier, c'est que l'on part du récit le plus traditionnel (le dessinateur Antonio Parras est un vieux baroudeur de la presse populaire, il a officié pour les couvertures de Barbe-Rouge, de Tiger Joe ou Bob Morane). C'est un dessinateur très élégant, au style personnel, mais qui n'a jamais eu une série marquante : il a toujours été dans la marque des autres.
On crée donc dans Pilote le docteur Ian Mac Donald sur le modèle du docteur justicier. Et le docteur Justice apparaît juste après en 1970 (adepte du kung-fu fort à la mode en ce moment, faciès entre Alain Delon et Bernard Kouchner, prêt à se castagner contre tous les méchants mafieux et intégristes). Ian Mac Donald est d'abord défini comme un médecin volant, un médecin qui va porter secours au bout du monde de l'Australie à l'aide de son bel avion. Cela devait donner de belles scènes de l'Australie comme Sandy qui allait tout juste s'arrêter, parce que l'Australie n'était plus vendeuse. Bref, c'est la résurrection de Tanguy et Laverdure, de Buck Danny et Sonny en version de gauche humaniste, avec le docteur qui sauve tout le monde en plus. Une version du chevalier moderne.
Seulement, il y a un problème : Vidal ne croit pas du tout à son héros irréprochable et après qu'il l'a mis au centre d'une intrigue électorale eh bien ! il découvre que son camp progressiste développe une forme de totalitarisme par la vidéosurveillance et le contrôle policier (cela nous rappelle des choses un peu actuelles). Bref, le héros meurt pour de bon et ne ressuscite jamais contrairement aux autres histoires où il survit miraculeusement. La dernière case donne juste une contre-plongée sur le héros définitivement mort face à la foule qui est horrifiée devant ce qu'elle a permis par son choix dans les urnes. Il liquide donc son personnage parce qu'il n'a plus rien à faire dans le nouveau monde de la bande dessinée, mais d'une certaine manière cette histoire me semble parler plus d'aujourd'hui.