Dominique de Villepin a esquissé hier pour la première fois à ce point sa stratégie probable pour 2012 : appeler à une nouvelle conscience civique des Français : regarder en face les vraies questions et identifier les véritables réponses collectives.
A moins de deux ans de la présidentielle, il est beaucoup question du "nouveau Président". A cette question, Dominique de Villepin en substitue une autre : "la nouvelle vie publique".
C'est un exercice particulièrement réussi que le Grand Jury d'hier. Sur la forme, Dominique de Villepin est apparu très serein, déterminé, soucieux d'identifier les bonnes questions précédant les bonnes réponses collectives.
Sur le fond, il a probablement amorcé le cap stratégique pour 2012 : la rencontre des français avec les français.
Les français ont-ils changé à ce point que leurs sujets d'attention prioritaire puissent être, et tout particulièrement en pleine crise économique, le retrait des chauffeurs de Rachida Dati, la météo du couple présidentiel, le voile intégral porté par moins de 1 000 femmes dans le pays, la réouverture des maisons closes ...?
Tout change autour de nous mais dans le désintérêt collectif semble-t-il ?
L'emploi change. Mais personne ne présente des perspectives concrètes notamment aux jeunes trop souvent exclus.
Nicolas Sarkozy a changé. Où est le jeune candidat moderniste qui maintient les chasses présidentielles, qui tolère une Cour coupée des réalités du quotidien, qui apparaît comme l'avocat permanent de la "confrérie des gens puissants" alors qu'il y a tant de malheurs en France aujourd'hui ?
Le PS a changé. Hier, le local était son territoire. Aujourd'hui, l'Etat redevient son centre d'intérêt car les barons locaux ont fait le "tour de leurs terres" et envient d'autres domaines. Mais où est le projet collectif ?
L'UMP a changé. Hier, elle incarnait la toute puissance supposée incarner "la gagne". Elle a pris de tels revers que la division est en son sein faite de confidences aigres, de critiques amères, de soupçons généralisés. Comment peut-elle encore parler d'union ?
Dans ce décor en mouvement, la principale inconnue : les français vont-ils changer ? Pendant combien de temps encore accepteront-ils cet évitement des vraies questions et donc cet abaissement de leur citoyenneté.
Comment le pays pourrait aborder l'avenir avec optimisme quand le déclin frappe d'abord à ce point les membres qui le composent ?
Comment interpréter ce déclin ? Comment le comprendre ? Il n'est pas une fatalité puisque d'autres pays répondent autrement aux enjeux du moment ? A qui la faute ? A un politiquement correct qui interdit les véritables débats et brident excessivement la liberté d'expression ?
La véritable question du moment : à quand le changement de décor de la vie publique française ? C'est là probablement à terme le déficit principal du mandat sarkozy : être associé à un déclin civique d'une telle gravité.
Sous cet angle, la conscience de vie collective, Dominique de Villepin change manifestement les lignes. Il a commencé hier. Derrière certains constats ou certaines perspectives, le large rassemblement semblait ouvrir de nouveaux points de rencontres.
Mais surtout, il s'est accordé un seul droit : celui de permettre aux citoyens de faire leur devoir en posant les véritables questions et en esquissant les réponses difficilement contournables.
Il va s'efforcer de bien penser selon les préceptes de Pascal pour qui "toute dignité consiste en la pensée". 2012 s'annonce d'abord comme une invitation à une autre foi dans la vie publique, une belle épopée loin des guichets électoraux ou des braillards qui invitent à ne penser à rien pour ne penser qu'à eux.
Un beau défi : 2012 ou le rendez-vous des français avec eux-mêmes.