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"Paysages, guerres et reconstructions"

Publié le 05 avril 2010 par Geo-Ville-En-Guerre @VilleEnGuerre

Lors du prochain congrès du Comité des travaux historiques et scientifiques (CTHS) qui se tiendra à l'Université de Neuchâtel du 6 au 11 avril 2010, portant cette année sur la question des "Paysages", une session sera consacrée aux "Paysages, guerres et reconstructions" (6 avril 2010, 14h00) autour de 6 interventions (voir le programme complet du 135e Congrès du CTHS).
Présentation de la sessionLa guerre s’inscrit dans les paysages. Guerre de position, pilonnage d’artillerie, bombardement détruisent d’abord les éléments du paysage construits ou édifiés par l’Homme : infrastructures de transport, habitat individuel, bâtiments publics. Mais ils touchent aussi les paysages naturels. Ils abattent les arbres, détruisent les sols, bouleversent les topographies, voire les reliefs. Après les combats, vient l’heure de la reconstruction, occasion de tous les questionnements, de toutes les réflexions, de tous les débats. Ruines et destructions matérielles, paysagères ou environnementales attirent le regard et fascinent artistes et curieux. Elles autorisent toutes les instrumentalisations : lamentations, dolorismes nationaux ou régionaux, disqualification morale de l’adversaire, procès en crimes de guerre. Ce moment passé et une fois délimité le champ du souvenir, du mémoriel et des vestiges, les mécanismes de restauration, reconstitution ou reconstruction sont à l’œuvre.
Si l’établissement factuel des événements ne fait pas difficulté, beaucoup de pistes de réflexions restent à approfondir : mécanismes administratifs ou techniques de constatation et d’évaluation des dégâts ; modalités des réparations financières : périmètre des prises en charge étatiques ; choix de non-reconstruction ; reconstruction à l’identique ou volontarisme modernisateur et rationalisateur ; discours politiques locaux et nationaux ; rapports identitaires au passé et à l’environnement. Dans tous ces processus, le paysage, naturel, construit ou urbain, est un enjeu. Les explorer attentivement constitue donc une voie d’accès privilégiée pour une approche globale de l’histoire des paysages.
La reconstruction des villages alsaciens après la Seconde Guerre mondiale (1940-1958) : principes et réalisations (Marie-Noëlle DENIS)
L'Alsace, zone de frontières, de passage et de conflits armés, a été depuis des siècles,soumise à des destructions massives suivies de périodes de reconstruction qui ont profondément modifié ses paysages. Après la Seconde Guerre mondiale, les travaux nécessaires, tant pendant la période d'occupation allemande (1940-1944) qu'après le retour de l'Alsace à la France, envisagés selon des principes et des modalités différents, ont généré des réalisations ambiguës qui ont joué sur un compromis entre le respect de l'univers régional traditionnel et la modernité. Lors de la première reconstruction allemande (1940-1942), les tenants de « l'ordre nouveau » n'ont pas eu le temps de mettre en oeuvre leurs principes autoritaires de planification de l'espace pour une réorganisation fondamentale de la population rurale. Mais ils furent suivis, après la guerre, par des architectes alsaciens formés à l'école de Stuttgart, qui développèrent le principe de la place de parade et d'un modèle uniforme de maisons dites "Schmitthenner". La reconstruction d'inspiration française, plus pragmatique et dirigée par un architecte formé à Paris, sans ignorer les aménagements nécessaires de l'espace cultivé et bâti, tiendra mieux compte des traditions et de la diversité locale tout en évitant le retour à un régionalisme outrancié.
Belgrade, Vukovar, Sarajevo et Mostar, un itinéraire dans l'éclatement de l'ex-Yougoslavie : témoignage photographique et langage du paysage (été 2007) (Fabrice FEJCIC)
Familier de la Yougoslavie d'avant 1991, je voulais prendre la mesure des effets de la dislocation et des guerres. Un voyage effectué en 2007 - douze ans après les accords de Dayton et huit ans après les frappes de l'OTAN - m'a permis de prendre conscience de l'ampleur de la violence et de l'étendue des dégâts. Ruines et destructions côtoient réparations et reconstructions dans une grande confusion, on y recherche vainement toute forme cohérente de réédification. La vision du paysage renvoie une image de la dévastation du tissu social et suscite de multiples questionnements. Territoires découpés et redécoupés, batailles de confins. À la ville comme à la campagne, les traces de ces conflits sont omniprésentes, elles font partie du quotidien des habitants et heurtent les voyageurs de passage. Paysages meurtris, mais paysages ordinaires de la vie quotidienne, quel est leur langage ? Quelle lecture peut-on en faire ? Il est proposé un parcours à la recherche de leur sens.

Le stade olympique de Sarajevo : le temps de la séparation et du rassemblement (Cyril POLYCARPE)
L’exemple de Sarajevo, de 1992 à 1996, illustre l’impact de la guerre sur la ville lors de période de paix : sortie de guerre, bilan humain et matériel, deuil, mémoires. L’urgence réside dans la réappropriation d’un environnement désorganisé afin de le rendre supportable pour faciliter un retour à la normale. Ainsi, Sarajevo entreprend la construction d’une mémoire « officielle », pour faciliter l’ancrage de la mort dans la mémoire et la ritualisation du deuil. Cette situation reflète un paradoxe, entre volonté d’oubli et injonction de mémoire, exigence de justice et souhait d’apaisement, entre espoir de renouveau et prégnance des destructions matérielles, physiques et psychologiques. La reconstruction du stade olympique, des Jeux d’Hiver de 1984, rend ce lieu à sa fonction initiale, celle d’une arène sportive où se joue l’héritage humain, patrimonial et mémoriel du conflit. Sa signification est fonction de l’expression de la tristesse, de la douleur, d’un sentiment de responsabilité voire de culpabilité des vivants à l’égard des défunts enterrés sur le site olympique.


Paysages de guerre et imagerie militaire : perceptions et représentations des terrains de combat durant les guerres d'Indochine et du Viêt-Nam (Thao TRAN)
L’influence déterminante du terrain sur la conduite des opérations militaires a été étudiée pour les guerres d’Indochine - 1945-1954 - et du Viêt-Nam - 1961-1975 -, à partir d’un corpus iconographique issu des archives militaires françaises, américaines et vietnamiennes. De ce fait, quelle lecture géographique peut-on avoir de ces images militaires ? Le terrain prend du sens en tant qu’objet d’interprétation, a fortiori lorsqu’il a servi à la création de cartes topographiques opérationnelles - identification du type de végétation, d’infrastructures, de villages -. Elles ont été complétées par des photographies aériennes militaires pour le renseignement et des photographies au sol pour les paysages de guerre. En Asie, le milieu naturel dicte ses propres logiques à la guerre qui doit s’adapter, s’accommoder des contraintes. Entre imaginaire et réalité du terrain, le contact avec la nature a été un véritable choc pour les combattants français en Indochine et américains dans le sud Viêt-Nam.
Des paysages de la destruction aux paysages de la (re)construction : le paysage urbain en guerre comme projet politique (Bénédicte TRATNJEK)
L’inscription de la guerre dans les paysages ne doit pas seulement être questionnée au regard des « hasards » des combats, mais également au prisme des intentionnalités des différents acteurs. Ainsi, la ville en guerre (dans le temps de la guerre et dans celui de l’immédiat après-guerre) est non seulement un territoire où se déploient les conflits contemporains, mais également une scène dans laquelle le spectacle de la guerre permet aux différents acteurs d’imposer dans le paysage des discours politiques. S’appuyant sur des recherches menées dans le cadre d’une thèse de géographie sur les reconfigurations sociospatiales dans les villes en guerre contemporaines (Abidjan, Beyrouth, Mitrovica et Sarajevo), cette communication se propose d’interroger le paysage comme un théâtre, dans lequel la guerre est mise en scène, avec des destructions choisies pour le symbole. En interrogeant la destruction des ponts (au-delà de l’avantage militaire) puis le concept d’« urbicide » (en tant que mise en scène d’une uchronie anti-urbaine), il s’agit de réfléchir sur les traces de la guerre dans les paysages urbains, entre destructions et (re)constructions « orchestrées ».
Les gens de guerre et le paysage au XVIe siècle (Anne VERNAT DECORZANT)
Dans le cadre du congrès des sociétés scientifiques et historiques, cette communication se propose de se concentrer sur la question de la perception du paysage par les gens de guerre au cours du XVIe siècle. Dans une période où les conflits sont permanents, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du royaume de France, les gens de guerre apportent des témoignages singuliers sur leur environnement et notamment sur les paysages urbains. D'une part, ces témoignages peuvent être considérés comme le reflet des tensions politiques et confessionnelles omniprésentes au cours de la période. D'autre part, la description du paysage par les gens de guerre peut être perçue comme la traduction d'une réflexion sur la situation politique ou religieuse. A partir de récits tels que les commentaires de Blaise de Monluc, nous pourrons apporter un éclairage tout à fait intéressant sur la perception d'un paysage soumis aux conflits.


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