Lorsqu'une entreprise décide de s'établir à l'étranger pour y conquérir des parts de marché, elle s'y trouvera en concurrence avec d'autres entreprises, soumises aux mêmes règles sociales, fiscales et environnementales qui régissent ce marché. Son investissement, si l'entreprise est performante, lui sera profitable et sera aussi profitable aux populations locales. La liberté d'investissement et la libre concurrence opèrent bien alors comme des instruments d'amélioration du sort matériel des hommes.
Lorsqu'au contraire une entreprise délocalise son activité pour réimporter ensuite des produits réalisés en contravention des règles fiscales, sociales et environnementales de son pays d'origine, ce ne sont pas les produits qui sont mis en concurrence (sauf à considérer que l'entreprise se fait concurrence à elle-même) mais les systèmes normatifs.
Alain Supiot, L'Esprit de Philadelphie
Concrètement, cela signifie qu'acheter des produits fabriqués en Chine, en Tunisie ou dans tout autre pays à la réglementation arrangeante, c'est voter contre les
systèmes de protection sociale. L'économisme tend à voir deux objets équivalents, produits dans deux pays différents, comme totalement interchangeables. En réalité, c'est une simplification qui
nie les règles de droit. Le libre échange ne devrait pouvoir jouer qu'au sein d'ensembles juridiques comparables...