Ce qui me semble remarquable, c'est que nos héros ne connaissaient nullement le nom de ce personnage, mais ils le nomment malgré tout sur la couverture de la revue comme s'ils le connaissaient depuis toujours. Pourtant, il n'y a jamais de chance de tuer un personnage surnaturel à l'aide d'une voiture et il n'y a aucune raison de freiner afin d'éviter de l'écrabouiller (d'autant plus qu'il représente la Mort). Fournier suppose que ses lecteurs possèdent les mêmes codes narratifs que lui et en cela il se trompe.
Que voyons-nous dans le paysage un peu lunaire ? Une sorte de centrale nucléaire qui apparaît sous la forme d'explosions. Soit. Et c'est le personnage annonçant la mort qui arrive pour barrer le chemin des héros. Le tout dans un costume du plus pur XVIIIe siècle avec bâton, cheveux longs et chapeau breton à l'appui. Il y a juste quelques petites choses qui me dérangent dans cette démonstration. L'Ankou est la représentation de la mort et comment pourrait-on tuer la mort en voiture ? L'Ankou est contre la centrale nucléaire parce qu'il est le gardien de la tradition ancestrale et qu'il entend garder le monopole de la mort. Mais pourquoi l'épargner ? Que veut dire cette image d'un autre âge ?
Quand on prend l'image de l'album, cela ne va pas mieux. On a toujours l'Ankou en figure surplombante et inquiétante, mais c'est la figure protectrice de la Bretagne alors même si c'est le voyageur de la mort qui porte ici un bâton et non plus une faux et qu'il ne ressemble plus à un squelette. C'est un Ankou présentable et plus acceptable qui nous est donné. On voit aussi la très jolie Ororéa qui est une pièce rapportée depuis sa Polynésie natale et puis Spip en fin de cortège (parce qu'il n'y a plus de marsupilami), mais où est le sens ? Fantasio rigole, Ororéa sourit parce qu'elle est en représentation (c'est l'ingrédient féminin nécessaire et indispensable à cette époque pour les adolescents masculins dont les hormones travaillent), Spirou seul est inquiet, et tout le monde défile comme si les choses étaient entendues. Je ne sais quoi penser.
Je vais me faire engueuler par Jacques C., je le sens. Mettre en doute la dignité des Bretons est une chose ignoble que je n'aurais jamais dû commettre. Je le regrette par avance et je présente des demandes d'excuses.