Encore le succès pour cette exposition "Munch ou l'"Anti-cri"" à la Pinacothèque de Paris où la foule se presse ! Titre un rien accrocheur, l'exposition présentée ici permet surtout de mettre en lumière le parcours de ce peintre norvégien à la charnière du vingtième siècle, période très foisonnante d'un point de vue artistique, et de découvrir des toiles et des gravures provenant presque toutes de collections privées, ce qui est plutôt exceptionnel.
Orphelin à l'âge de cinq ans, marqué par le décès de sa sœur huit ans plus tard et son éducation puritaine, il ne se contente pas de peindre pour montrer, il veut faire sentir : "On ne peut pas peindre éternellement des femmes qui tricotent et des hommes qui lisent ; je veux représenter des êtres qui respirent, sentent, aiment et souffrent. Le spectateur doit prendre conscience de ce qu'il y a de sacré en eux, de sorte qu'il se découvrira devant eux, comme à l'église" (1).
De ses débuts impressionnistes, comme dans ce tableau "Femme au chapeau rouge sur le Fjord" peint en 1891, il en conservera une palette assez claire. Plus tard, influencé par Gauguin et Van Gogh, ce sont les fauves et surtout le symbolisme allemand qui vont l'amener à son "style caractéristique, puissamment synthétique, animé des arabesques mouvantes qui seront celles de l'Art nouveau et chargé d'un symbolisme diffus" (2).
Stylisation des formes, des lignes et des couleurs, la touche est large, sommaire et employée comme un moyen d'expression. "Cette lumineuse et ondulante nuit d'été à l'ombre de grands arbres (dont l'un évoque le cyprès) abrite quatre couples, fondus en un seul baiser" (2) (Nuit d'été à Studenterbunden, 1899). C'est à peine si nous distinguons ces couples d'amoureux tant ils sont à la lisière de la végétation, confondus avec celle-ci, l'homme lui-même étant totalement absorbé, seule la silhouette colorée de la femme rythmant le tableau.
Êtres solitaires, ombres errantes, tensions psychologiques, ses toiles comme ses gravures finissent par rendre visible son état d'esprit marqué par la maladie, la mélancolie, l'amour et la mort.
Audacieux dans sa série de la Madone (à gauche, Madone, 1895, lithographie colorée à la main) jusqu'à encadrer la toile de spermatozoïdes et d'un fœtus, il propose toute une variation autour de la conception et de la mort ; les lignes autour du visage et du corps de la femme ondulent dans un rythme doux et suggestif, ses yeux clos marquant son abandon. Ici, dans Attraction I (1896, lithographie colorée à la main), les cheveux de la femme vont jusqu'à subjuguer l'homme. Par la suite, dans ces œuvres les plus tardives, les lignes finissent par être moins prononcées, elles s'épurent jusqu'à devenir des ombres fantomatiques, comme c'est le cas ici dans cette "Nuit d'hiver" peinte en 1923 (huile sur toile).Mais ce qui ressort le plus de ces œuvres c'est que rien n'est véritablement figé, la toile semble prise dans le vertige du doute, l'âme doute...
(1) Écrits de Munch
(2) Hors Série Connaissance des Arts, n° 438
(3) Découverte d'autres toiles d'Edvard Munch ici et là