Si Jésus Christ s'était réveillé un beau matin du vingtième siècle, peut-être aurait-il enfourché un sac à dos, plié sa tente Quechua et pris un billet SNCF 12-33 direction la route de Damas nouvelle ère: Le festival des printemps français. Merguez, bonnets phrygiens et wok'n'woll, avouez que ça fait quand même beaucoup d'âmes à convertir.
1. Eviter la navette municipale. Remplie d'adolescents boutonneux avinés et décidés à vous ruiner le week-end avec des chansons paillardes, la na(bu)vette qui mène au festival est souvent terre de danger. Entre La bite à Dudule et Seven Nation Army revisités par une armée d'hooligans en herbe, le bus reste le meilleur moyen de devenir misanthrope ou serial avant même d'avoir fait tamponné son billet. Solution: Optez pour la marche à pied, ou mieux, une virée gonzo à la française genre "Fear & Loathing in Carcassonne": défonce au Pastis, location d'une Renault Fuego toutes options et folle cavalcade de 800 bornes avec Noir Désir et les Wampas dans le transistor... Tout compte fait: optez pour la marche à pied.
2. Vous méfier des sandwiches. On ne le répétera jamais assez, la barquette de frites froides et les Merguez de la veille à 6€ la bouchée peuvent ruiner votre entrée dans l'arène, ou pire, influencer votre premier souvenir du groupe pourtant méritant qui joue à 16H devant trois clampins qui suent. Solution: Examiner scrupuleusement toutes les buvettes et faire tester les sandwichs du festival a un ami, votre nana, un gamin sous coke, etc. Bref, RESTEZ MÉFIANT. Un sandwich de festival, c'est comme un préliminaire, ne pas se précipiter pour franchir les portes plus aisément.
3. Ne dire bonjour à personne. L'un des grands classiques de festival reste la nerveuse poignée de mains au premier venu qu'on connaît, pour éviter de passer pour un con solitaire au milieu d'un millier de festivaliers en transe. Erreur! Malaise palpable ("Je ne vous connais pas, désolé"), discussion interminable ("Hey, t'as vu le concert d'Archive, c'était IN-CROY-ABLE") ou brève de comptoir de fin de nuit ("Raaaaaah moi j'voulais être chanteur, pass'moi une bière steup"), socialiser amène souvent son lot d'emmerdes. Solution:Evitez soigneusement la connaissance, l'attaché de presse ou le voisin de palier, prenez un air distant et affairé puis passez votre chemin sans dire bonjour. Ne se servir du contact qu'en cas d'extrême urgence: panne de cigarettes, temps mort entre deux concerts ou queue trop longue au bar.
4. Attaquer le concert par la gauche. Foule bondées, drapeaux nationalistes et fans qui pogotent, le concert est - aussi - un combat. Pour éviter la grosse du devant (celle qui possède des cheveux frisés et un cul large comme deux stands de frites) et les lourdauds sans cerveau (ceux du sixième commandement), engouffrez vous dans le concert par la gauche puis frayez vous un chemin vers le premier rang. Pour des raisons inexplicables, la gauche d'une scène reste toujours vide et clairsemée. Testez la gauche, vous verrez. Pour une fois que ça marche...
5. Draguer les journalistes. A l'inverse des groupies et de la bénévole, le journaliste reste la seule personne dont vous pouvez être à près sûr qu'il n'est pas là pour écouter de musique. Son lieu de prédilection: le bar VIP (l'alcool gratos) et la tente de conférence de presse (l'ombre et la clim', parfois). Faites vous passer pour le roadie des Kills et profitez-en pour tester la tente ventilée et le matelas gonflable.
6. Emmerder les faux photographes. Depuis que les briquets ont été remplacés par des iPhone et autres appareils jetables à plusieurs millions de pixels, plus possible de regarder un concert sans être polluer par le grand dadais devant vous qui s'escrime à prendre un cliché correct alors que, surprise, c'est pas facile de prendre un bon cliché quand on n'est pas photographe et qu'on est à 50 mètres du chanteur. Ma solution: Gardez les mains dans les poches et donner de petits coups de coude vicieux à l'apprenti Cartier-Bresson sur chaque tentative de shoot. Permet également de préserver son espace de sécurité et d'éloigner les mauvais danseurs.
7. Eviter les têtes d'affiche. Collées en haut des programmations pour attirer les mouches (Enculé de Bester, espèce de parisien va), les têtes d'affiche sont - disons le haut et fort - souvent décevantes. Pour éviter de patienter 30 minutes dans le froid pour un concert tiède de - rayez le mention inutile - Charlotte Gainsbourg, Keane ou The Kooks, direction les petites scènes désertées avec parfois de bonnes surprises. Au coeur du festival, restez élitistes, c'est le moment ou jamais.
8.Ne rien écouter totalement. C'est bien connu, "en festival, on ne peut pas toutes les baiser". Pour survivre la bouillis sonore de trois jours les pieds dans la boue, veillez à quitter tous les concerts au bout de vingt minutes maximum, batifolez de scène en scène, taillez un bout de gras avec le vigile à lunettes de soleil et revenez pour la fin du concert avec la désagréable impression d'avoir raté un moment fort et intense alors qu'en fait non, il ne s'est rien passé de plus hormis le rappel et le chanteur qui a dit que "ce soir vous étiez chauds comme la braise" et que "ce soir, définitivement, c'était le meilleur concert de la tournée".
9. Etre un mauvais journaliste. Pour vous démarquer des confrères consciencieux collés à leurs écrans, tous rivés sur la fiche Wikipedia pour préparer la question qui tue en conf' de presse ("Composez-vous différemment, euh, pour la scène et euh.. le studio?"), restez non-professionel. Restez à la chambre d'hôtel payée par l'organisateur, n'assistez à aucun concert, renseignez vous auprès des collègues pour récolter vicieusement de l'info essentielle ("Alors, tu y étais au concert de Ghinzu? Ouais? C'était bien? Ca a duré longtemps?"), glanez le compte-rendu de la gazette locale pour étayer vos "impressions" et n'oubliez pas de respecter le ratio 60/40 ("Je tape sur un groupe, j'en encense deux, pour être sûr d'être invité l'année prochaine"). En un mot: soyez un professionnel de la glandouille, restez absolument à l'écart des gens qui font semblant de bosser.
10. Partir avant la fin du festival. Filles laissées pour mortes sur le goudron, pelouses transformées en terrasse de gobelets en plastiques... Une fête qui se finit, c'est toujours triste. Délaissez la vision d'horreur d'un festival qui se cloture et pliez bagage fissa après le dernier concert. En option, si vous êtes très rapide: ne pas croiser la nana de la veille à qui vous avez proféré les pires immondices. Bonus: Profitez de cet exit en urgence pour dire bonjour au mec que vous connaissez vaguement en n'oubliant pas de lâcher un "ouais t'as raison Jean-Marc, il était super ce festival!" au moment de fermer le coffre de la Renault Fuego.
"Et à l'année prochaine bien sûr". Parce qu'être misanthrope sans personne autour, c'est aussi triste qu'un festival sans névroses à combattre.