“Le quai de Ouistreham” de Florence Aubenas - Editions de l’Olivier.
Personne n’a oublié qu’elle fut retenue en otage près de 5 mois à Bagdad. Aujourd’hui, journaliste au Nouvel Observateur, la journaliste Florence Aubenas a décidé de prendre un congé sabbatique pour s’immerger totalement dans la réalité sociale des plus démunis. Pour cela, elle est devenue travailleuse précaire à Caen ,prête à accepter les boulots les plus durs. Inscrite au chômage, agences d’intérim, pôle emploi, elle va devenir agent de nettoyage à Ouistreham, notamment à bord du ferry pour l’Angleterre ,à récurer les cabines et les toilettes .
Que trouve-t-on comme travail, quand on est une quadragénaire sans qualification ? Des boulots de femmes de ménage qui vous ravagent le corps.
(”en un quart d’heure, mes genoux ont doublé de volume, mes bras sont dévorés de fourmis…”). Marilou : « Moi, le mois où j’ai débuté, j’avais des crampes dans tout le corps. J’ai perdu au moins six kilos. »
Florence lors de l’expérience
Des petits chefs qui craignent de se faire virer et redoublent d’exigence, allongeant votre temps de travail au-delà de ce qui sera payé. Des horaires infernaux, tôt le matin, tard le soir, souvent week-ends et jours fériés . Et comment la solidarité, chez les démunis, n’est pas un vain mot. De cette précarité totale, la journaliste rend remarquablement compte dans ce livre émouvant et souvent drôle.Florence Aubenas incarne aujourd’hui une voix pour les sans-voix, elle raconte,concrètement,précisément, comment on vit aujourd’hui en France avec moins de 700 euros par mois.
C’est un livre à lire pour comprendre les difficultés de notre époque . Entre colère et résignation, chacun lutte pour sa survie.
Alors ceux qui vivent tout ça en vrai ? Les « invisibles » entendront-ils parler du Quai de Ouistreham ? Donneront-ils leur avis, à la presse par exemple, qui pour le moment semble s’intéresser davantage à l’expérience de la journaliste qu’à la misère de ceux dont elle parle ? Pas sûr qu’entre deux rudes missions d’intérim et un pointage à l’ANPE, ils trouvent le temps et l’argent pour aller acheter le livre de Florence Aubenas. Pour pouvoir nous dire : oui, c’est comme ça. Mais bien pire