C’est un métier qui fait rêver : enquêteur de guide de voyage. Pendant quatre mois, Sébastien Duval a endossé ce costume pour le guide des Frogs in NZ. Entretien avec un voyageur gâté.
C’est ce qui s’appelle joindre l’utile à l’agréable. De septembre à décembre 2009, Sébastien Duval a fait partie de la petite équipe des Frogs in NZ chargée de sillonner la Nouvelle-Zélande à la recherche des meilleures adresses du pays. Durant ces quatre mois, le jeune diplômé en journalisme s’est ainsi offert des vacances rémunérées dans le nord-est de l’Île du Nord (Northland, Rotorua, Bay of Plenty, East Cape, Gisborne, Hawkes Bay, Urewera National Park, Tongariro National Park, Taupo) et le nord de l’Île du Sud (Marlborough Sounds, Nelson, Abel Tasman, Golden Bay).
Des vacances, vraiment ?
Sébastien : « Le plus difficile dans ce boulot est justement de se mettre en tête qu’on ne fait pas du tourisme. On évolue dans un univers où tout le monde autour de soi est en vacances et ce n’est pas toujours évident de se mettre à l’écriture en soirée, alors que les autres clients de l’auberge de jeunesse vont boire un verre. Un de mes collègues a même abandonné au bout de quelques semaines, ce qui m’a permis d’aller bosser un peu sur l’Île du Sud. »
En quoi consistaient tes journées ?
« La priorité était de retourner voir tous les établissements et activités cités dans la première édition du guide pour savoir s’ils existaient toujours, changer les prix (dans 99% des cas), les menus… On devait également juger s’ils méritaient ou pas de rester dans le guide et bien sûr trouver des nouvelles adresses et bons plans. J’ai énormément marché au bouche à oreille, en parlant avec les locaux. Je demandais à chaque fois dans les logements quels étaient leurs bars et restos préférés et dans les restos et bars les logements qu’ils me recommandaient. En recoupant les témoignages, j’arrivais généralement à avoir de bons résultats avec les noms qui revenaient régulièrement. »
Tongariro Crossing
J’imagine que tu es tombé sur des adresses peu attrayantes…
« Oui, j’ai vu quelques logements bien « trash ». Tu rentres dedans, ça sent le renfermé à plein nez et tu te dis : c’est bon, pas besoin d’aller plus loin. Mais tu es obligé de faire bonne figure devant la patron qui te fait la visite… »
As-tu pu en profiter pour tester des activités ?
« Oui, car les opérateurs te proposent souvent d’essayer leur activité. J’ai accepté quelques offres (saut en parachute et à l’élastique notamment) mais aussi refusé beaucoup, souvent par manque de temps. De toute façon, la politique des Frogs en la matière était « on peut faire le descriptif d’une activité sans forcément la tester personnellement ». Je crois que c’était surtout pour éviter de recenser d’office tous les gars qui te proposent un truc, comme si la gratuité impliquait un contrat moral pour une notification dans le guide. J’ai d’ailleurs toujours payé mes repas dans les cafés et restaurants. »
Saut à l'élastique à Taupo
Quel est ton meilleur souvenir ?
« C’est sûrement cette soirée passée avec une famille maorie de Te Kaha, sur le East Cape. Je me baladais dans l’après-midi et j’ai vu beaucoup d’agitation autour du marae (lieu sacré maori, ndlr). Il y avait une compétition de haka que j’ai voulu aller voir. J’ai commencé à parler avec les gens qui y assistaient et l’un d’eux m’a invité à venir manger à la maison le soir. C’était génial : de la langouste fraîchement pêchée et de la bière à volonté jusqu’à 5 heures du matin en attendant le lever du soleil au large. Magique. Ca vaut vraiment tous les spectacles maoris de Rotorua, qui sont une abomination et qui donnent l’impression d’être au zoo. »
Et le pire ?
« Justement, le pire souvenir, c’est ma première semaine de mission à Rotorua. Je débarquais tout juste en NZ, encore un peu jet-lagged, dans une ville qui sent le souffre à plein nez. Il faisait gris et froid et je ne savais pas très bien où j’allais ni ce que je faisais là, dans une ville ultra touristique (donc beaucoup de travail pour le guide). Mais ça a eu le mérite de me mettre dans le bain d’entrée, rendant les choses beaucoup plus faciles derrière, une fois les automatismes de travail assimilés. »
Saut en parachute au dessus de Taupo
Ton spot préféré ?
« East Cape, sans hésiter, le long de la SH35 entre Opotiki et Gisborne. C’est une région qui est encore à l’écart du circuit touristique traditionnel, avec une forte communauté maorie. Le paysage côtier y est splendide, mais il y a surtout une atmosphère quasi mystique qui se dégage de l’endroit, avec beaucoup de maraes, de légendes et ces terrains de rugby de campagne où on met les chèvres en été pour entretenir la pelouse. Mais globalement j’en ai pris plein les mirettes pendant quatre mois. Randonner dans le parc du Tongariro m’a bien plu, les plages d’Abel Tasman, les communautés hippies de Golden Bay, les vignobles d’Hawkes Bay, le surf à Gisborne le jour de mon anniversaire en octobre… »
Selon toi, que doit-on savoir en lisant un guide de voyage ?
« Il y a une grosse limite à ces guides : il est physiquement impossible pour les enquêteurs de tester l’ensemble des entrées du bouquin. Ca prendrait plusieurs années et coûterait beaucoup d’argent de dormir dans chacun des motels ou backpackers mentionnés, de manger un repas complet dans chaque restaurant ou café ou d’essayer chaque sortie en quad ou rafting. C’est donc parfois très superficiel : tu cognes à la porte, on te fait faire le tour du propriétaire et tu dois prendre ta décision en une poignée de minutes, sans vraiment rentrer dans les détails. »
Wwoofing sous le soleil de Gisborne
Quel bilan tires-tu de cette aventure ?
« C’est une expérience extrêmement positive, j’ai eu la chance d’être payé pour faire ce pour quoi beaucoup payent une fortune. J’ai fait des choses que je ne referais sans doute jamais et rencontré un nombre incroyable de personnes pendant mon voyage. Mais ce n’est pas un métier dont je ferais un temps plein, le journalisme est plus épanouissant. »
Depuis la fin de son aventure chez les Frogs in NZ, Sébastien s’est essayé à la vie nomade néo-zélandaise. Quelques semaines dans une ferme près de Gisborne, à découvrir les joies du wwoofing et de la chasse nocturne à l’oppossum, puis trois mois à Wellington, le temps de signer quelques piges pour Le 10 Sport – dont une interview de Dan Carter parue ce vendredi. Il s’apprête aujourd’hui à rentrer en France, sans exclure un retour en Nouvelle-Zélande un jour. Pourquoi pas pour un guide sur l’Île du Sud…
Merci à Sébastien Duval pour sa disponibilité (et son flair en matière de pubs :p).
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