Je ne lis jamais de livres d’histoire (c’est sans doute un tort) mais l’Histoire avec un grand H m’intéresse, me passionne même. En littérature, c’est donc avec la fiction que je poursuis mon ‘éducation‘. J’aime qu’il y ait une trame, des personnages, des émotions, un vrai fil conducteur. Ainsi, Bedlam: London and Its Mad(Londres et ses fous) fait exception à la règle et je ne suis pas peu fière de l’avoir lu jusqu’au et d’avoir passé un très bon moment !
Si vous me suivez depuis quelques temps, vous savez que j’ai un petit défaut professionnel: j’aime aussi lire des livres sur la médecine et ceux qui la pratiquent, la subissent ou en bénéficient. Bedlam était donc fait pour moi.
A travers ce livre tout à fait abordable, Catharine Arnold retrace l’histoire de Bedlam (lointaine contraction Cockney de Bethléem), premier hôpital psychiatrique fondée en 1247 à Londres. On apprend tout, de façon concise, sur l’histoire (les petites et la grande) de la maladie mentale, ses traitements, les attitudes du Moyen Age à nos jours.
J’ai été particulièrement choquée par ces hôpitaux dépotoirs où l’on a jeté, enchainé, battu, affamé pendant plusieurs siècles des hommes et des femmes dont les maux étaient diverses et variés (dépression, épilepsie, mutisme, violence, hystérie, etc) et que l’on ‘soignait’ par des saignées et laissait dans l’obscurité.
A la renaissance, les mentalités changent et la société associe la folie avec le diable et la sorcellerie. Au XVIIIe siècle, Jonathan Swift (auteur des ‘Voyages de Gulliver’), atteint du syndrome de Ménière, passa quelques temps à Bedlam, comme beaucoup de ses contemporains (les maris y faisaient même enfermer leur femme désobéissante). La folie était alors une mode, un spectacle, on ouvrit donc Bedlam au public.
En 1815, Bedlam change à nouveau d’adresse, après les quartiers de Spitalfields et Moorfields, l’hôpital s’installe jusqu’en 1930 dans un nouveau bâtiment qui est aujourd’hui The Imperial War Museum. Les employés du musée racontent qu’encore aujourd’hui, les sous-sols leur donnent la chair de poule…
Ce n’est qu’à l’ère victorienne que les choses changent véritablement. La psychiatrie devient une discipline médicale à part entière. On comprend mieux la maladie, on la catégorise, les patients sont dorénavant traités plus humainement dans des lieux propres et éclairés. Le chapitre intitulé ‘Mad women’ (les folles) est absolument fascinant. Les médecins de l’époque étaient convaincus que l’hystérie était la maladie des vierges, des vieilles filles et des veuves et qu’elle pouvait se guérir facilement à coup de partie de jambes en l’air ! D’autres, plus déjantés encore prônaient l’ablation de certains organes génitaux - ça vous calme une femme en moins de deux ! La folie au féminin était alors semble-t-il monnaie courante et inspira de grands auteurs tels que Dickens ( ‘Great expectations’ et l’éternelle fiancée, Miss Havisham) et Charlotte Brontë (‘Jane Eyre’ et le personnage de la femme de Monsieur Rochester).
Au XXe siècle, les psychiatres se laissèrent tenter par l’eugénisme. La maladie mentale était considérée comme un poids pour la société et certains suggérèrent l’euthanasie pure et simple des pauvres, des juifs, des catholiques irlandais et des criminels. L’influence des théories freudiennes (notamment l’écoute du patient) se fit aussi sentir mais c’est avec la première guerre mondiale et le syndrome du ‘shell shock’ (choc de l’obus ou obusite) et son traitement à base de ’stimulations’ électriques que la psychiatrie moderne naitra réellement.
La note de L’Ogresse: