La tente est bleue. Modèle familiale agençant dôme et absydes à grand renfort de tendeurs. On doit pouvoir tenir debout en son centre: le confort nomade en quelque sorte, tendance touristique bien
sur. La forêt est dénudée. Nous n'en sommes qu'au début du printemps. La tente prend place entre les arbres, en crête d'un côteau boisé. Les nuits sont encore froide et la tente est isolée bien
qu'en contrebas de l'autoroute. C'est en fait de là que je l'ai apperçu. Vision brève scandée par les troncs élancés. Qui peut bien vivre là? Hermite des temps modernes, pauvre hère où les deux à
la fois. Derrière, en toile de fond, se découvre le château de Versailles et son jardin rigoureux. Jamais je ne l'avais vu depuis la voie rapide. Pourtant il se déploie avec majesté, bien
frontalement, et les emmarchements monumentaux encadrent l'édifice pour le plus grand plaisir d'un nouveau roi. Monarque régnant sur sa toile de tente. Balustres et taupières d'un côté, piquets et
forêt de l'autre. Bien après, cette vision fugace reste comme un instantané photographique. Un duel ou une confrontation. A moins que ce ne soit une contemplation. En tout cas une méditation.