De toutes parts, de droite comme de gauche, des voix s’élèvent pour demander à Nicolas Sarkozy d’adjurer «son» bouclier fiscal.
On oublie souvent que ce dispositif a été introduit par le socialiste Michel Rocard en 1998, réduit par Alain Juppé, relancé par Dominique de Villepin en 2005.
Supposons un instant que le président de la République cède à ces sirènes.
Que se passerait-il ?
Au plan politique ce serait une promesse non tenue de plus. La gauche socialiste triompherait médiatiquement avant de le faire électoralement.
Au plan comptable, à supposer que le bouclier en question disparaisse complètement, le Trésor public économiserait environ 700 millions d’euros de remboursement pour trop-payés qu’il n’aurait plus à envoyer.
Mais il est probable que, parallèlement, toutes sortes de nouvelles demandes s’élèveraient, pour augmenter les minima sociaux, les multiplier et en prolonger le bénéfice dans le temps.
Supprimer le bouclier fiscal à 50% ( en fait, il est à un taux beaucoup plus élevé, car beaucoup d’impôts n’entrent pas dans son calcul) serait évidemment ouvrir les vannes de la dépense, alors que le rendement de ce déplafonnement serait réduit, et même incertain.
En effet, un taux élevé d’imposition n’est en rien une garantie de recette importante. En effet, au delà d’un certain niveau, l’impôt devient confiscation, et les personnes concernées réagissent en s’enfuyant. Comme l’on déjà fait plusieurs millions de nos concitoyens, qui en Belgique, qui en Suisse, qui en Brande Bretagne, qui aux Etats-Unis…
Tous les spécialistes de la fiscalité savent bien que les impôts qui rapportent beaucoup frappent indistinctement tout le monde. Comme la TVA et la CSG. Tandis que les impôts «de classe», comme l’ISF, ne rapportent pas grand chose et sont même sans doute contre-productifs, car ils font disparaître «la matière fiscale».
N’oublions pas que l’ISF porte sur des sommes d’argent qui ont déjà payé l’impôt au moins une fois (IRPP, impôt sur les successions).
C’est le bon sens, vérifié par la sagesse populaire : «quand les gros maigrissent, les maigres meurent» ; «le loup a intérêt à ce que les moutons soient gras et nombreux»…
Ceux qui veulent garder l’Etat providence doivent comprendre qu’il faut le financer. Faire payer les plus riches pour aider les plus pauvres, cela s’appelle de la redistribution. Mais faire fuir les uns et en conséquence ne plus avoir les moyens d’entretenir les autres relève de la politique de gribouille.
Le raisonnement de ceux qui veulent la « suspension » du bouclier fiscal est d’ailleurs étonnant :
ils affirment qu’une augmentation des impôts directs est nécessaire pour rééquilibrer nos finances publiques et que les contribuables plafonnés ne participeront pas à cette augmentation. Or nos dépenses publiques dépassent celles de l’Allemagne de 9 % du PIB. L’alignement de nos dépenses publiques sur celles de l’Allemagne suffirait pour supprimer nos déficits publics. Pourquoi donc augmenter des impôts qui sont déjà parmi les plus élevés des pays développés ?
Le vrai courage consiste à lutter vraiment contre les gaspillages de l’argent public. Et non pas à augmenter les impôts. Quels qu’ils soient.